Présentation de l'éditeur. « Après le succès du premier tome, Julien Hervieux (aka L'Odieux Connard) et monsieur le chien continuent de rendre hommage aux faits et héros oubliés des deux Guerres mondiales.
24/03/2022
Monsieur Le Chien, Julien Hervieux, Le Petit Théâtre des opérations, tome 2, « Faits d'armes incroyables mais bien réels... », 2 mars 2022, 56 pages, 14,90 €. ISBN : 979 1038 200 968
Présentation de l'éditeur. « Après le succès du premier tome, Julien Hervieux (aka L'Odieux Connard) et monsieur le chien continuent de rendre hommage aux faits et héros oubliés des deux Guerres mondiales.
18/03/2022
James C. Scott (tr. fr. : Marc Saint-Upéry), Homo Domesticus. Une histoire profonde des premiers États, La Découverte, coll. « Hors collection sciences humaines », janvier 2019, 302 p, 23 €
Ce faisant, il nous offre une véritable écologie politique des formes primitives d’aménagement du territoire, de l’« autodomestication » paradoxale de l’animal humain, des dynamiques démographiques et épidémiologiques de la sédentarisation et des logiques de la servitude et de la guerre dans le monde antique.
La synthèse de James C. Scott vient ainsi renforcer des travaux parmi lesquels ceux de Jean-Paul Demoule. Sa lecture s’impose à qui veut enseigner cette période de transition (dont on a compris qu’elle était un mythe) au terme de laquelle la sédentarisation se serait imposée.
07/03/2022
Shlomo Sand (tr. fr. : Michel Bilis), Une brève histoire mondiale de la gauche, La Découverte, coll. « Cahiers libres », 20 janv. 2022, 320 pages, 20 €. ISBN : 9782348072277
Et pour saisir sa pertinence, Shlomo Sand nous propose de remonter aux sources de cet « imaginaire » et d’étudier le façonnement, les transformations et les ajustements de l’idée d’égalité sur plus de deux siècles. Des Diggers de la première révolution anglaise à la formation de l’anarchisme et du marxisme, du tiers-mondisme aux révolutions anticoloniales, des féminismes post-MeToo au populisme de gauche aujourd’hui, ce livre revient en profondeur sur les penseurs et les mouvements qui ont bâti la gauche mondiale. Il montre à la fois les dynamiques globales et transnationales qui les ont animés, souvent en écho les unes avec les autres, la manière dont ils ont pensé l’égalité, mais aussi comment ils se sont heurtés au « mur » de l’égalité réelle et ont pu en tirer, ou non, les leçons nécessaires.
Avec le brio et l’engagement qu’on lui connaît, Shlomo Sand relève le difficile pari d’une brève histoire mondiale de la gauche qui s’adresse, avec un grand sens de la pédagogie, au plus grand nombre, tout en proposant des hypothèses originales à l’heure où nous devons nous employer, de toutes nos forces, à réactiver l’imaginaire égalitaire ».
23/02/2022
Timothy Morton (trad. fr. : Cécile Wajsbrot), Être écologique, Zulma, coll. « Essais », 7 oct. 2021, 256 pages, 20 €. ISBN : 9791038700208
En recourant à des outils et des concepts comme
l’intuition, l’art, l’empathie, l’interconnectivité, ou notre héritage
néandertalien, Timothy Morton nous montre comment se remettre au
diapason : à notre échelle, mais aussi à celles des bactéries, de la
baleine à bosse, des écosystèmes, ou de la planète.
Être écologique,
c’est changer de paradigme dans notre relation au monde, se libérer du
déni et du désespoir. Une lecture performative aussi sérieuse que
captivante.
« Être écologique, c’est se reconnecter à la biosphère. » The Financial Times
« Un essai idéaliste et inspirant. » The Guardian ».
On avait rendu compte du précédent ouvrage de Timothy Morton traduit en français chez Zulma : La Pensée écologique. On y indiquait attendre la traduction de son Being Ecological, paru en janvier 2018 chez Pelican Books, dont il était dit qu'il s’adressait précisément à ceux qui n’ont rien à faire de l’écologie. Voilà qui est fait.
Bien évidemment, cet ouvrage est dans la prolongement du premier. Toujours avec l'humour qui le caractérise, Timothy Morton indique que son livre (très stimulant) est inutile : on verra pourquoi. Il explore ici la façon dont l'écologie est considérée aujourd'hui, que ce soit du point de vue des alarmistes ou des éveilleurs de conscience, que de celui des tenants de la collapsologie (on oubliera les climato-sceptiques). La diversité de ces considérations sont le résultat, selon lui, de l'avalanche d'informations confuses sous laquelle l'opinion publique est ensevelie, empêchée de réfléchir sereinement. La majorité vont cependant dans le même sens et aboutissent à une culpabilisation. Même l'indifférence est pour lui la marque d'une volonté de fuir les problèmes. Pour l'auteur, ce fatras alimenté par une foison de données chiffrées, donc irréfutables, crée ce qu'il appelle une « bulle de peur anticipatoire ». Mais le résultat est à rebours de qui serait attendu : on est accablé par la terreur, et cette sidération nous laisse incapables de voir ce qui se passe réellement. Qui peut dire précisément les conséquences de la disparition pure et simple de milliers d'espèces vivantes ou, encore pire, de l'extinction de masse ? Que signifie réellement l'élévation des températures moyennes ? On ne comprend pas, et le réflexe est de se mettre la tête dans le sable : selon l'auteur, c'est le résultat d'une aliénation à ce que nous promet le futur, au désespoir inéluctable. De quoi suis-je, moi, coupable ? Pourquoi faudrait me charger de la responsabilité des conséquences de l'industrialisation (au mieux), sinon de tout ce que l'homme a entrepris ? Je m'évertue à ne pas gaspiller l'eau et l'énergie, mais au fond, est-ce que cela a la moindre efficacité ? Elle est bien belle, l'histoire du colibri de Rabhi… On retrouve finalement ce que Timothy Morton avait développé dans La Pensée écologique : les hyperobjets (radiations, extinction de masse, etc.), dont on avait dit, dans le compte rendu, qu'il s'agissait d' « éléments dont nous sommes
conscients de l’existence, mais dont nous avons le plus grand mal à
discerner les contours, à les voir ».
De là, tout se passe « comme si la fin du monde avait déjà eu lieu » : sans angoisse particulière, l'humanité se trouve dans un état de « stress post-traumatique ». On ne croit plus à l'efficacité de l'action, et les incitations à se remuer restent quasiment lettre morte : il n'y aurait plus à agir vraiment face au néant (même si, paradoxalement, on sent qu'il faudrait le faire du fait des injonctions reçues), mais à se résigner et à composer avec la situation.
Alors, dans ce fatalisme ambiant, que signifie « être écologique » ? Pour Timothy Morton, cela veut dire qu'il faut accepter le traumatisme causé par une évolution qui est en cours (tout de même), ce qui aidera justement à se libérer de son poids écrasant et considérer les choses avec un peu plus de recul, pour nous débarrasser de cette angoisse anesthésiante. Comme dans toute crise, il s'agit d'une mutation dont il faut chercher à faire advenir le meilleur. Et ce meilleur, c'est d'admettre enfin ce qu'il disait dans La Pensée écologique : l'homme n'est qu'un être parmi les autres, « un être symbiotique enchevêtré avec d'autres êtres symbiotiques ».
On comprend alors pourquoi son ouvrage est « inutile » : c'est parce que l'homme est déjà écologique, dans le sens qu'il donnait au mot écologie dans La Pensée : tous les êtres sont interconnectés dans la
biosphère. Aussi, la période dans laquelle nous sommes entrés, l'Anthropocène, doit être considérée comme une opportunité à saisir pour modifier le rapport des hommes au monde, au-delà de l'opposition artificielle entre humanité et « nature ». Parvenir à « être écologique », c'est se donner les moyens d'agir écologiquement. Pour Morton, cette reconstruction passe notamment par l'art, pour traduire le réel de façon sensible. Il prend l'exemple d'Olafur Eliason et de son Ice Watch qui avait, en 2015, donnait à comprendre les effets concrets du réchauffement climatique au moment de la COP 21 : il avait disposé de volumineux blocs de glace du Groenland devant le Panthéon, lesquels fondaient à vue d’œil. La perception était immédiate. Cela montre que la sensibilisation peut emprunter d'autres voies que l'injonction à agir, le déversement d'informations toutes plus angoissantes les unes les autres. Alors, on peut se détendre : « vous êtes un être pleinement incarné qui n'a jamais été séparé des autres êtres biologiques […]. Vous êtes dans l'idée qu'il y a un intérieur et un extérieur de vous-même, et c'est sans doute la façon la plus profonde de commencer à penser qu'être écologique implique un changement énorme ». Envisager le futur, c'est donc considérer que les choses à venir peuvent être différentes de la façon dont on les imagine, pour qu'il soit désirable. Quitte à se tromper, à revenir un peu en arrière, trouver une alternative, sans chercher à être efficace, « performant »… Cela doit nous permettre de nous délivrer du tout ou rien : ou réussir, ou échouer. Or, cette possibilité de se tromper, ce droit, même, nous ouvre une troisième voie.
Eh bien, voilà un livre qui s'impose au moment de la campagne des élections françaises, aussi bien présidentielles que législatives, que devraient lire chacun des candidats.
20/02/2022
Aurélie Trouvé, Le Bloc arc-en-ciel. Pour une stratégie politique radicale et inclusive, La Découverte, coll. « Petits cahiers libres », 9 septembre 2021, 168 pages, 13 €. ISBN : 9782348068713
Présentation de l'éditeur. « Partout, la colère monte ; partout, l’aspiration à un changement profond se fait entendre. Après vingt années d’engagement au coeur des mouvements sociaux, Aurélie Trouvé analyse dans ce livre comment l’exigence d’égalité réelle exprimée par les populations dominées est en train de bouleverser l’ordre établi. En s’engageant frontalement, sans le concours des médiations traditionnelles, ces dernières heurtent le vieux monde de la politique. Mais cette puissance qui se dégage du côté de l’écologie dissidente, des insurrections populaires, des luttes antipatriarcales et antiracistes et des mouvements syndicaux reste fragmentée, incapable de se constituer en véritable force politique.
L’hypothèse de ce livre est que la radicalité des prises de position
actuelles est en réalité un facteur d’inclusion, et non de déliaison.
Car cette radicalité est aussi celle des urgences écologiques,
économiques et sociales, qui sont liées entre elles et qui requièrent de
nous que nous nous hissions collectivement à leur hauteur. En 1969, à
Chicago, la Rainbow Coalition rassemblait Black Panthers, Young Lords et
Young Patriots. Cette alliance en apparence modeste d’organisations
jusqu’alors désunies pour lutter contre la ségrégation raciale et
sociale fit trembler les fondations de la démocratie bourgeoise
états-unienne. Il est temps de renouer avec la stratégie du Bloc
arc-en-ciel et de créer les conditions d’un exercice résolument
démocratique du pouvoir politique ».
Depuis la sortie de Bloc arc-en-ciel, à la rentrée 2021,
l'actualité politique a fortement évolué en raison de la campagne pour les
élections présidentielles (et législatives, même s'il n'en est pas
ouvertement question). C'est un truisme que de l'écrire, bien évidemment,
tout c'est le propre de ces essais de poser un regard éphémère à un moment
donné. Est-ce un ouvrage jetable pour autant, valable pour la seule
période dans laquelle il a paru ?
Aurélie Trouvé, ingénieure agronome et maîtresse de conférences en
économie à AgroTech Paris, s'est engagée au sein du mouvement ATTAC
(Association pour la taxation des transactions financières et pour
l'action citoyenne), apparu en 1998. Elle en est devenue co-présidente en
2006 puis sa porte-parole en 2016. Après la sortie du
Bloc arc-en-ciel, en octobre, Aurélie Trouvé a déclaré quitter ses
fonctions. Elle a rejoint le parlement de l'Union populaire (PUP), organe
de la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon, dont elle préside les
débats depuis novembre. En juin 2022, elle sera candidate LFI dans le
département de Seine-Saint-Denis. Cette évolution d'un parcours personnel
peut surprendre : les ralliements, les retournements de veste constituent
le lot des élections. Or, Aurélie Trouvé montre que ses choix relèvent
d'une cohérence politique, résumés dans le sous-titre de son essai : «
pour une stratégie politique radicale et inclusive ». Elle souhaite
travailler à « alliance de forces suffisamment large pour espérer prendre
le pouvoir », de façon à construire le fameux monde de demain, celui «
d'après le patriarcat, le capitalisme, le racisme et le productivisme »
(p. 24). S'éclaire alors le symbole du titre : les couleurs de
l'arc-en-ciel allient (sans en être la simple addition) « le rouge des
traditions communistes et syndicales, le vert des mouvements écologistes,
le jaune des insurrections populaires, le multicolore des luttes pour
l'égalité réelle, antipatriarcales et antiracistes » (p. 67), ainsi que «
le violet du féminisme » (p. 87). Ces couleurs sont aussi celles de la
Rainbow Coalition, fondée en 1969 par Fred Hampton (tué par le FBI
en décembre de la même année), qui cherchait à regrouper différentes
organisations pour « faire face aux violences policières
systématiques, à la ségrégation raciale et sociale brutale […] et aux
inégalités d'accès aux services de base » (p. 5). L'objectif était de
faire front commun sur la base de la condition sociale en dépassant les
clivages raciaux artificiellement mis en place : la misère d'un Blanc
n'est pas différente de celle d'un Noir.
Ce bloc arc-en-ciel auquel aspire Aurélie Trouvé vise à réunir les forces
de gauche, qu'elles soient institutionnelles (formations politiques,
syndicales, associatives) ou plus spontanées (gilets jaunes, Nuit debout,
là où se produit un « bouillonnement de la rue, des ronds-points, des
places, des zones à défendre »), chaque courant préservant son autonomie.
Le but est de fédérer les oppositions aux différentes expressions de la
domination : la lutte des classes n'est pas indissociable de toutes les
autres formes de luttes sociales ; elles sont complémentaires. Et pour
cela, il faut proposer un bloc politique auquel les électeurs pourront se
rallier en votant pour lui, et ainsi donner une amplification des
mobilisations spontanées en les portant dans l'action politique. On
retrouve finalement l'argument du dernier ouvrage d'Erik Olin Wright
traduit en français,
Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle
(voir le
compte rendu sur ce même site), paru en octobre 2020 à La Découverte. L'auteur se demander comment
vaincre l'ordre social en le remplaçant par une alternative démocratique.
La solution qu'il préconisait visait à lutter à la fois à l'intérieur des
institutions et en dehors. Pour Aurélie Trouvé, tous les moyens sont bons
pour ce remplacement (et non de simples aménagements réformistes), comme
sa participation à différents types actions l'a montré (décrochage des
photographies de Macron dans les mairies, etc.) : sabotages, actions
juridiques, grèves… Et faire ainsi en sorte de développer ce qu'elle
appelle des écosystèmes, des lieux de réflexion et d'actions concrètes,
capables de convaincre qu'un autre monde est possible.
Que propose ce bloc ? Trois axes sont esquissés. Il s'agit de réfléchir à
une planification sociale et écologique destinées à donner une vision à
long terme propre à contrer les marchés. À la mondialisation, une
relocalisation des productions s'impose, mais une relocalisation solidaire
qui ne se fasse contre les migrants et les étrangers. À cela s'ajoute une
socialisation démocratique qui cherchera à restituer les services
d'intérêt général à la population (les « communs » : eau, énergie,
banques, transports, santé…) et leur contrôle par les citoyens.
Évidemment, il faudra faire face au réflexe de méfiance envers les
tentatives de récupération politique des mouvements spontanés, et leur
instrumentalisation au service d'un candidat (ou d'une candidate). À cela,
Aurélie Trouvé répond par l'urgence de la réponse ferme et radicale à
apporter au néo-libéralisme, à l'amplification des conséquences déjà
visibles du réchauffement climatique.
On aura compris que Le Bloc arc-en-ciel n'est pas un ouvrage jetable, valable pour un moment déterminé. Il porte des propositions radicales, ambitieuses qui pourront nourrir la réflexion de chaque citoyen. On pourra regretter que des couleurs n'aient pas mérité un développement plus large (on pense à l'antiracisme, par exemple). Considérons l'ouvrage comme une base, et rendons-nous attentifs aux travaux du PUP.
18/02/2022
Dimitri Manessis et Jean Vigreux, Rino Della Negra, footballeur et partisan, éd. Libertalia, coll. « Poche », 3 février 2022, 246 pages (cahier iconographique de 24 pages), 10 €. ISBN : 978 237 729 2417
« Vous n’avez réclamé ni la gloire ni les larmes [...]
Vous vous étiez servi simplement de vos armes ».
Sportif exceptionnel brisé à l’âge de 20 ans, alors qu’il venait
d’être recruté par le prestigieux club du Red Star, Rino Della Negra n’a
jamais pu exprimer tout son talent de footballeur. Réfractaire au STO,
membre du groupe Manouchian (FTP-MOI), martyr de la liberté fusillé par
les nazis au Mont-Valérien le 21 février 1944, le jeune résistant
plaçait les valeurs d’antifascisme et de solidarité au-dessus de tout.
Cette étude inédite et fort documentée, par deux historiens du mouvement
social, analyse la vie et la mémoire d’une icône du football populaire
et du combat émancipateur.
Loin d’une conception surannée de « l’identité nationale », la biographie de Rino Della Negra s’intègre dans l’histoire d’un pays qui a su accueillir l’étranger, se construire grâce aux échanges multiples, et dont les membres des FTP-MOI ont pu écrire l’une des pages les plus lumineuses.
Dimitri Manessis est docteur en histoire ; Jean Vigreux est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne Franche-Comté ».
Le 15 décembre 2020, Dimitri Manessis soutenait une thèse (dirigée par Jean Vigreux) portant sur « Les secrétaires régionaux du Parti communiste français, du tournant antifasciste à l'interdiction du parti (1934-1939) ». A priori, rien à voir avec le football, ni avec la Résistance. Ce serait oublier l'arrière-plan du présent ouvrage, que restituent les deux auteurs.
De quoi s'agit-il ? La présentation faite par l'éditeur indique tout de suite l'appartenance de Rino Della Negra au groupe FTP Missak Manouchian. Cela nous remet tout de suite en tête l'affiche rouge, diffusée après l'exécution du 21 février 1944 par les autorités d'occupation et Vichy pour discréditer la Résistance. Or, des « vingt et trois » fusillés (comme l'écrivait Louis Aragon dans ses Strophes pour se souvenir , 1955), les propagandistes n'ont retenu que dix photographies pour illustrer ce qu'ils ont appelé l'armée du crime : Szlama Grzywacz, Tomas Elek, Wolf Wasjbrot, Robert Witchitz, Moska Fingercweig, Joseph Boczor, Spartaco Fontanot, Celestino Alfonso, Maurice Rajman et Missak Manouchian. S'il apparaît dans le film L'Affiche rouge, de Frank Cassenti (1976), sous les traits de Bruno La Brasca (p. 211), Rino Della Negra semble absent (sauf erreur) du film de Robert Guédiguian (L'Armée du crime, 2009) et du livre de Didier Daeninckx (Missak, 2009). C'est dire s'il paraît être en retrait dans le groupe. L'inscription deupersonnage dans la mémoire collective s'est pourtant faite, ce qui occupe une bonne partie de l'ouvrage. Les deux auteurs montrent que son nom est bien sûr associé au football, avec une tribune bordant la pelouse du Red Star, comme il a été donné à des rues et qu'on retrouve sur des monuments, des plaques, la salle de quartier de Mazagrande à Argenteuil (avant 2001), etc. Cette mise en mémoire commence très tôt, le 4 novembre 1944, avec la cérémonie qui marque le rapatriement des restes de Rino Della Negra au cimetière d'Argenteuil, dans le carré des « morts pour la France ». Dimitri Manessis et Jean Vigreux montrent que la mémoire du résistant investit plusieurs cercles : la famille ; les martyrs de la Résistance ; les cercles immigrés, italiens en particulier ; le Parti communiste, avec l'organisation de compétitions sportives par la FSGT (Fédération sportive et gymnique du travail), etc. Elle investit des lieux : Vimy, le lieu de naissance de Rino Della Negra ; Argenteuil, là où il a vécu… On a donc à faire avec un résistant intéressant de par sa position mémorielle, tantôt associé au groupe Manouchian, tantôt célébré dans sa singularité : celle d'un sportif très prometteur, mais aussi celle d'un fils d'immigrés.
Cette biographie se lit très facilement : le lecteur béotien s'y retrouvera sans problème. Surtout, il permettra aux étudiants et à ceux que la Résistance intéresse d'avoir un ouvrage de synthèse très précis. Il repose sur un fonds documentaire très important, dévoilé en partie dans les annexes du volume. On appréciera d'ailleurs le cahier iconographique, qui montre notamment les différentes facettes mémorielles de Rino Della Negra. Les analyses faites montrent aussi une constante volonté d'objectivité de se tenir à distance de ce qui a été dit sur le groupe Manouchian, les FTP, etc., ce qui a amené les auteurs à une critique des thèses de personnages comme Franck Liaigre.
Romaric Godin, La Guerre sociale en France. Aux sources économiques de la démocratie autoritaire, La Découverte, coll. « Poche / Essais», n° 547, 13 janvier 2022, 222 pages, 12 €. ISBN : 9782348073472
Présentation de l'éditeur. « La tentation d’un pouvoir autoritaire dans la France de 2019 trouve ses racines dans le projet économique du candidat Macron.
Depuis des décennies, la pensée néolibérale mène une guerre larvée contre le modèle social français de l’après-guerre. La résistance d’une population refusant des politiques en faveur du capital a abouti à un modèle mixte, intégrant des éléments néolibéraux plus modérés qu’ailleurs, et au maintien de plus en plus précaire d’un compromis social. À partir de la crise de 2008, l’offensive néolibérale s’est radicalisée, dans un rejet complet de tout équilibre.
Emmanuel Macron apparaît alors comme l’homme de la revanche d’un capitalisme français qui jadis a combattu et vaincu le travail, avec l’appui de l’État, mais qui a dû accepter la médiation publique pour « civiliser » la lutte de classes. Arrivé au pouvoir sans disposer d’une adhésion majoritaire à un programme qui renverse cet équilibre historique, le Président fait face à des oppositions hétéroclites mais qui toutes rejettent son projet néolibéral, largement à contretemps des enjeux de l’époque. Le pouvoir n’a ainsi d’autre solution que de durcir la démocratie par un excès d’autorité. Selon une méthode classique du néolibéralisme : de l’épuisement de la société doit provenir son obéissance ».
Romaric Godin est journaliste à Mediapart depuis 2017 (voir sa fiche biographique sur le site du journal), et s'est spécialisé dans les questions économiques. C'est sous cet angle qu'il analyse le fonctionnement de la société, aussi bien dans son journal que dans le présent ouvrage. Celui-ci est une réédition, non actualisée, de ce qui avait été publié sous le même titre en septembre 2019 (voir la présentation sur le site de La Découverte). L'auteur a toutefois écrit une postface qui prolonge le propos qu'il tenait il y a un peu plus de deux ans.
Le titre rappelle celui du journal du socialiste SFIO Gustave Hervé, qui exprimait une opinion antimilitariste et pacifiste à la veille de la Première Guerre mondiale avant de basculer très tôt dans l'Union sacrée (et de sombrer plus tard dans des considérations fascistes). Il avait été repris soixante-dix ans plus tard par un groupe d'extrême-gauche, qui se divise à propos du soutien à accorder au négationniste Robert Faurisson. Précisons tout de suite que Romaric Godin ne se revendique ni de l'une ni de l'autre publication : alors, de quelle guerre sociale s'agit-il ici ? L'auteur la définit comme le résultat d’une double dynamique : la poussée du néolibéralisme d'un côté, la « résistance du corps social » de l'autre. Elle se présente «comme une guerre sourde, intellectuelle, politique et sociale, qui chaque jour se joue dans les entreprises, dans les discussions politiques et dans les choix qui en découlent ». Si elle peut dégénérer en affrontements physiques, « son acuité dépend de la progression du projet néolibéral » (p. 10). On mesure alors le rôle que joue la propagande dans cette opposition : même si Romaric Godin n'y fait allusion tout de suite, on sent bien que sa définition met en avant que la possession des médias dominants se révèle être un élément particulièrement essentiel de cette guerre du capital contre le travail — l'offensive menée par Bolloré l'illustre parfaitement. Quant au néolibéralisme, il s'agit d'une idéologie qui s'est développée depuis les années 1970 (p. 9 et suiv.), réaction à la baisse du taux de profit qui a marqué le rééquilibrage entre capital et travail depuis la Seconde Guerre mondiale. « Ce paradigme défend l'idée que l'État doit, dans l'intérêt général [cette idée sert de justification permanente, comme on le verra plus loin], se placer du côté du capital pour favoriser la création de richesses à partager par une marchandisation élargie de la société ».
La question se pose alors de comprendre pourquoi ce mouvement néolibéral n'a pas encore tout emporté, puisqu'il est à l’œuvre depuis près de cinq décennies. La thèse de Romaric Godin tient à la conscience qu'ont eue des gouvernements de fournir des contreparties au monde du travail à chaque fois qu'une mesure importante (travestie sous le nom de « réforme ») était prise en faveur du capital. Un certain équilibre était plus ou moins maintenu, cachant de plus en plus mal le dépeçage des acquis (ou conquis) sociaux. Or, toujours l'auteur, on en est arrivé à un point de rupture (une « radicalisation du projet néolibéral », pour reprendre ses mots) avec l'avènement au pouvoir d'E. Macron, en tant que ministre des Finances et plus encore en tant que président de la République. De là l'idée d'une impasse multiforme qui prend la forme, les institutions de la V<sup>e</sup> République aidant, à une destruction des contre-pouvoirs, une exaspération de la population, une progression des thèmes de l'extrême-droite servant de chiffons rouges (si l'on peut dire…) agités pour distraire les électeurs de l'essentiel.
Bien évidemment, le propos de Romaric Godin s'arrête en 2019. Seules deux années du mandat présidentiel de Macron ont été analysées par l'auteur, qui en explore les fondements. La crise du COVID et le décret du « quoi qu'il en coûte » (à qui ? au profit de qui ?) n'ont fait que conforter ce qui est avancé par l'auteur.
Ce faisant, cette réédition tombe à pic. Non seulement l'ouvrage reste d'une parfaite actualité (et comment…) : il suffira au lecteur de confronter ce qu'il lira aux éléments plus récents. Surtout, le déroulement de la campagne électorale montre que cette guerre sociale a été parfaitement intégrée au discours de droite et d'extrême droite, dont les candidats proclament haut et fort qu'il faut renforcer les moyens de répression (sous couvert de « sécurité », bien sûr).
Quoi qu'il en soit, La Guerre sociale doit faire partie du bagage de l'honnête citoyen, en ce qu'il permet de l'éclairer sur les tenants et les aboutissants de ce qui se passe, et d'ôter les faux-nez des Tartuffes. Si on avait besoin d'un ouvrage de salut public, en voilà un.
Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8
Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...
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L'Art « Qu’est-ce que l’art ? Tout le monde peut-il être un artiste ? Une œuvre d’art peut-elle être immorale ? ». ISBN 979-10-358-20...
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Présentation de l’éditeur. « Disparu en septembre dernier, René Pétillon a travaillé jusqu’au bout sur ce recueil de dessins, de strips et...
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Tiitu Takalo (sc., ill., coul.), Kirsi Kinnunen (trad. fr.) , Moi, Mikko et Annikki, Rue de l'Échiquier, 16 janv. 2020, 248 p., 21,90 €....