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09/07/2021

Vanessa Jérôme, Militer chez les Verts, Presses de Sciences po, coll. « Politiques de la Terre », 22 avril 2021, 304 pages, 22 €. ISBN : 978 272 462 7558



Présentation de l'éditeur : « Prenant appui sur une somme inédite de matériaux, cette enquête au cœur d'Europe Ecologie - les Verts et des Jeunes écologistes analyse les ressorts de l’engagement et de la semi-professionnalisation politique de militants dont les valeurs et les pratiques sont indissociables. 

Idéalistes ou arrivistes, courageux ou dogmatiques, les militants verts ont une image très contrastée. Leur parti, Europe Écologie – Les Verts (EELV), passe pour divisé et cacophonique. Il est pourtant une terre d'accueil pour celles et ceux qui croient à la nécessité du projet écologiste et à son caractère émancipateur. Près de quarante ans après sa création, et alors que la volonté de gouverner s’affirme chez les écologistes depuis les vagues vertes des élections européennes et municipales de 2019 et 2020, le parti vert français reste à bien des égards méconnu.

Prenant appui sur une somme inédite de matériaux, cette enquête au cœur d’EELV et des Jeunes écologistes analyse les ressorts de l’engagement et de la semi-professionnalisation politique de militants dont les valeurs et les pratiques sont indissociables. Elle conte, à hauteur d’adhérents, l’histoire d’un parti qui entend faire de la politique autrement».


La « course des présidentielles » est désormais lancée : après Sandrine Rousseau, Éric Piolle et Yannick Jadot se sont lancés dans une compétition suivie par des commentateurs qui n'auraient aucune peine à faire valoir leur talent dans les hippodromes. Au-delà des « petites » phrases, le citoyen curieux (il en est…) cherche à en savoir toujours davantage sur les enjeux idéologiques qui sous-tendent les candidatures et que défendent les groupes politiques. C'est assez dire que l'ouvrage de Vanessa Jérôme — qui a précisément consacré sa thèse en sciences politiques au militantisme chez les Verts (Militants de l’autrement. Sociologie politique de l’engagement et des carrières militantes chez Les Verts/EELV, université Paris-I Panthéon-Sorbonne, 2014. Dir. : Frédérique Matonti), et est également quelqu'un qui s'est investi dans le parti, avec le pari d'observer les choses à la fois de l'extérieur (en tant que chercheuse) et de l'intérieur (en tant que militante et élue) —  tombe très bien, d'autant que nous sommes désormais quelques semaines après les élections cantonales et régionales et une année après les municipales de 2020 qui, toutes, ont vu progresser le nombre des élus d'Europe Écologie - Les Verts (EELV). Les campagnes électorales, réduites à une moindre proportion du fait de la crise du COVID-19, n'auront guère permis de mieux comprendre ce que veulent les Verts. Reste la presse — à condition d'aller fouiner du côté des médias alternatifs — et les études spécialisées. Il est heureux de constater le parti-pris pédagogique de ce Militer chez les Verts. Après une partie où il y a lieu de se familiariser avec les concepts et notions que la chercheuse utilise dans son travail quotidien, on découvre un ouvrage dont la structure aide à la compréhension de ce qu'est le militant vert, considéré à travers l'évolution historique de la formation sur une quarantaine d'années (et même davantage) puis en suivant l'implication progressive de quelqu'un qui s'inscrit dans un parti qui affiche sa volonté de faire de la politique « autrement » (mais d'autres ont aussi cette prétention, manière de poser un paravent sur des pratiques qui n'ont guère évolué).

Vanessa Jérôme commence par « une brève sociohistoire du parti vert » (chap. 1) depuis 1974 et la candidature de René Dumont aux présidentielles de cette année-là. Elle nous fait ensuite comprendre les fondements qui président à l'engagement (« L'engagement : héritages familiaux, rencontres, stratégies politiques ») puis aux actes militants (« Militer : apprendre à devenir Vert »). Elle décrit comment s'inscrit ce même militant dans le parti, au travers ses courants et instances (« Prendre (des) position(s) dans le parti : compétences plurielles, trajectoires mixtes »). Son cheminement l'amène forcément à participer aux élections, de près ou de loin (« Concourir aux élections : fabrique partisane des candidatures, campagnes électorales »), voire même à exercer un mandat électoral (« Se (semi-)professionnaliser : identités stratégiques et exercice du métier politique »). Se pose alors la question de la transmission des valeurs (« Transmissions écologistes. Héritages familiaux, histoire d’organisation ») et de la pérennité du parti (« Les Jeunes écologistes : des performers de la politique »).

À la logique de cette étude sont apportés des témoignages de personnes interrogées par Vanessa Jérôme. Malgré leur diversité, il serait facile d'objecter que leur valeur exemplaire ne tient qu'aux personnes : les propos rapportés ne peuvent être généralisés, ce qui vaut pour quelqu'un, dans un contexte donné, ne pouvant valoir pour quelqu'un d'autre. Il n'empêche que ces parcours individuels — une soixantaine, tout de même — permettent précisément de donner de la consistance à un propos savant, en nous éclairant sur la façon dont les choses sont ressenties. On n'oublie pas les très nombreuses références bibliographiques.

Au terme de la lecture de ce livre, il faut en dégager quelques éléments, ce qui ne doit pas inciter à s'abstenir de le consulter. Le premier est la courageuse synthèse des différentes trajectoires selon les caractéristiques sociales des militants sollicités, les formes de leurs socialisations primaires et de leurs engagements préalables à leur entrée dans le parti — « courageuse » tant sont multiples ces éléments dans un échantillon d'une soixantaine de personnes, lesquels varient dans le temps et l'espace. Vanessa Jérôme distingue ainsi trois groupes : trois trajectoires types qui favorisent l’adhésion au parti vert : les « spécialistes », les « altruistes » et les « insoumis ». Au-delà de ces différentes motivations d'adhésion, il n'en reste pas moins que le Vert-type se caractérise par le fait qu'il est issu des classes moyennes, blanc, assez jeune, doté d'un fort capital culturel qui lui permet d'être sensible aux enjeux contemporains, dont la parité, et qui estime que son expression est favorisée par la structure fédérale du parti qui respecte les minorités et la diversité des positions — ce qui contribue fortement à l'incompréhension de ceux qui n'ont pas cette culture, mais favorise les débats (voire les conflits et les scissions). Son action militante ne s'arrête généralement pas à EELV : il est impliqué dans le mouvement associatif. Il a également une culture de la minorité, notamment dans l'exercice de mandats électoraux (avec le problème de la légitimité contestée par les autres partis, dénonçant un amateurisme des écologistes, l'« écologie punitive », avant les dérives actuelles : islamo-gauchisme, etc.), ce que Vanessa Jérôme qualifie d'« habitus minoritaire », qui se concilie avec la conscience d'être à la pointe de la transformation écologique et d'être porteur d'une culture politique différente et unique — d'où les premiers mots du titre de la thèse : « militants de l’autrement ». À noter que cette transformation écologique n'est pas limitée au domaine environnemental, mais comporte une forte dimension sociale et économique, comme le montrent les projets développés dans les mairies vertes depuis un an et les actions développés par les Jeunes écologistes, l'organisation de jeunesse d'EELV. La liaison avec la précarité sociale et économique — et par conséquent celle des inégalités sociales et environnementales — est posée par l'accès à l'énergie, par exemple, comme l'a montré le mouvement des Gilets jaunes ; elle l'a encore été au cours du confinement, quand des membres de classes les plus aisées avaient trouvé refuge hors des villes. Le même militant a un rapport assez ambigu au pouvoir, à la fois répulsif et attractif, ce que reflète l'organisation du parti mais aussi le positionnement à l'égard de personnalités qui cherchent à émerger — ce qui s'est ainsi traduit par le rejet de Nicolas Hulot au profit d'Éva Joly aux élections de 2012. Assez souvent, ce militant a très tôt été confronté à une forme de distinction : il est le premier à avoir obtenu un diplôme universitaire, à avoir une forme de sexualité différente de la majorité, etc., à sortir d'une norme sociale, si on peut le résumer ainsi. Cela suppose un investissement important, qui explique (entre autres) un renouvellement important des adhérents autour d'un noyau relativement stable.

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...