Présentation de l'éditeur. «Et si l’inconscient lui-même n’échappait pas à l’histoire ? En le situant au-delà du social, au-delà de l’histoire,
Freud a laissé la psychanalyse prisonnière d’un postulat encombrant. Il
a fait comme si la structure de la personnalité qu’il observait chez
ses patients viennois à la fin du XIXe siècle touchait à l’homme éternel et non aux représentants d’une époque, d’une culture, d’un univers social particuliers.
Nourri
d’histoire des sensibilités, de sociologie psychologique et
d’anthropologie critique, ce livre voudrait montrer en quoi notre vie
psychique profonde est tout imprimée d’histoire. Pour s’en convaincre,
il n’est qu’à scruter, sur la longue durée, les lentes transformations
du refoulement pulsionnel et du contrôle des émotions. Elles sont
étroitement corrélées aux révolutions silencieuses de nos mœurs, aux
altérations souterraines de notre vie affective, aux déplacements
discrets des désirs et des interdits, des seuils de pudeur et des
frontières de l’intime. De là il faut conclure à l’existence de troubles
d’époque et de névroses de classe. Et puis songer aussi au perpétuel
renouvellement des fantasmes à partir desquels se meuvent les êtres
intérieurs, aux variations du symbolisme des rêves, calquées sur les
évolutions de l’imaginaire social et non sur des archétypes universels,
ou encore aux mutations sourdes des complexes psycho-affectifs (dont
l’Œdipe) au gré des métamorphoses de la famille, de la parenté et des
rapports de genre.
Cet ouvrage invite ainsi la psychanalyse et toutes
les sciences psychologiques à considérer qu’il a sans doute fallu des
siècles d’histoire pour façonner les inconscients qui sont les nôtres.
Une chose paraît d’ailleurs certaine : à trop séparer la psyché du
social-historique, nous avons longtemps ignoré jusqu’à quel point notre
vie affective et psychique demeure, dans ses strates les plus enfouies
et obscures, pétrie de social et d’histoire».