20/10/2020

Fabrice Bourrée, Retracer le parcours d’un résistant. Guide d’orientation dans les fonds d’archives , éd. Archives & Culture, coll. « Guides de généalogie », 15 oct. 2020, 111 p., 13 €. ISBN : 9782350773650

Présentation de l’éditeur. « Retracer le parcours d’un résistant ou d’un Français libre (Guide d’orientation dans les fonds d’archives).

Sur la Résistance, née de façon spontanée hors des cadres politiques, militaires ou syndicaux traditionnels et par définition clandestine, les fonds documentaires sont aussi dispersés et multiples que les parcours individuels l’ont été.

Les premiers dossiers de résistants constitués à la Libération, consultables au Service historique de la Défense, étaient ceux de « l’homologation » de services par le ministère des Armées. Mais seuls étaient pris en compte les engagements se rapprochant de ceux des combattants réguliers.

En 1949 est créé le titre de Combattant volontaire de la Résistance attribué par le ministère des Anciens Combattants et Victimes de guerre, sur des critères plus vastes et sur la foi de plusieurs témoignages. Les dossiers correspondants sont conservés dans les services d’archives départementales.

Les fonds émanant des forces du maintien de l’ordre, tout comme les archives judiciaires et pénitentiaires, apportent de précieux compléments.

Enfin, d’autres dossiers ont été créés pour l’attribution d’une décoration (médaille de la Résistance française, médaille de la France libérée…).

Compte tenu de la multiplicité des documents et des lieux de conservation, ce guide était indispensable : il vous indique où et comment chercher pour retracer au mieux un parcours individuel.

Avec le parrainage de la Fondation de la Résistance et du Service historique de la Défense ».

 

Andrea Serio (sc. et ill.), Hélène Dauniol-Remaud (trad.),, Rhapsodie en bleu, Futuropolis, 7 oct. 2020, 128 p., 21 €. ISBN : 9782754830454

 

Présentation de l’éditeur. « Trois cousins juifs, Andrea, Martino et Cati, sont persécutés par les lois raciales de Mussolini à l’aube de la seconde guerre mondiale. Forcé de quitter Trieste pour New York, Andrea essaiera de retrouver une vie normale, hanté par les fantômes du passé.

À travers le destin d’Andrea Goldstein, jeune homme juif, Andrea Serio nous fait percevoir avec douceur et empathie, l’intensité, la violence, la bêtise crasse et innommable de cette sombre époque, comme les prémisses mortifères de ce qu’à nos portes, certains de nos contemporains vivent aujourd’hui.

« À dater du jour du 15 octobre 1938, Victor Emmanuel III, par la grâce de Dieu et par la volonté de la nation, roi d’Italie, empereur d’Éthiopie, ayant entendu le Conseil des ministres, décrète que tous les enseignants de race juive seront suspendus de leur service, et ne pourront être inscrits les élèves de race juive.
Sont considérées comme de race juive les personnes nées de parents tous deux de race juive, quand bien même elles professeraient une autre religion que la religion juive… ».

15/10/2020

Erik Olin Wright (trad. fr. : Christophe Jaquet et Rémy Toulouse ; Vincent Farnea et Joao Alexandre Peschanski), Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle et Utopies réelles, La Découverte, 15 octobre 2020. Respectivement : 184 p., 19 €, EAN : 9782348055621 ; coll. « Poche / Sciences humaines et sociales » n° 529, 529 p., 14 €, EAN : 9782348065484.



Présentation de Stratégies anticapitalistes pour le XXIe siècle par l’éditeur. « Alors que l’idée d’une stratégie anticapitaliste réapparaît ici ou là au sein des gauches mondiales, aucun essai d’ensemble visant à repenser ses voies éventuelles et ses chances effectives n’existe réellement. Les modèles historiques et pratiques ne manquent pourtant pas --- la rupture révolutionnaire, la fuite libertaire, la régulation globale de la social-démocratie, etc. Mais ces options sont presque toujours opposées les unes aux autres, jusqu’à polariser et diviser les gauches depuis des décennies alors qu’elles ont chacune fait la preuve de leurs insuffisances. Voilà pourquoi le débat sur la transition post-capitaliste est pauvre et l’imagination des socialistes asséchée. Le capitalisme a beau apparaître de plus en plus comme le problème majeur de notre temps, personne ne sait vraiment comment s’en défaire.

 C’est donc à l’invention d’une nouvelle formule de l’anticapitalisme, complète et efficace, qu’est dédié ce livre. À rebours du socialisme étatisé ou d’un appel à l’exode, les stratégies d’érosion qu’elle promeut consistent à investir par en bas toutes les zones et pratiques déjà existantes où la vie et la production s’organisent de manière non capitaliste, mais, dans le même temps, à mettre un pied dans les institutions et initier par en haut toutes les politiques susceptibles de développer ces formes et ces espaces de vie. À ceux qui, à gauche, nous disent que la fin du monde s’imagine mieux que celle du capitalisme, ce livre offre un cinglant démenti. Et il suggère qu’à l’optimisme de la volonté doit désormais être joint celui de l’intelligence ».


Présentation d’Utopies réelles par l’éditeur
. « Pourquoi et comment sortir du capitalisme ? Quelles sont les alternatives d’ores et déjà présentes ? Peut-on, doit-on réinventer les socialismes par des réalisations concrètes ? Avec quels outils, quelles formes d’action, quelles institutions ? Telles sont les vastes questions, solidaires les unes des autres, auxquelles répond ce livre original et magistral, synthèse d’une enquête internationale et collective de plusieurs années sur les théories les plus actuelles de l’émancipation ainsi que sur de nombreux projets vivants de transformation radicale, ou plus graduelle, déjà observables dans les domaines social, économique et politique.
Grâce à un regard rigoureux et acéré, appelé à fonder un nouveau programme de recherche sur les expérimentations postcapitalistes contemporaines, se détachent une conception neuve du progrès et de ses instruments potentiels ainsi qu’une vision scientifique des modalités de dépassement du capitalisme. Les utopies réelles ne sont ni pour les idéalistes ni pour les réalistes. Ce sont les expériences vécues, les projections audacieuses qui créent dès maintenant les conditions et les formes d’un avenir meilleur, d’un autre futur possible.
Traité savant, arme au service d’un renouveau nécessaire de l’imagination politique, Utopies réelles figure déjà parmi les classiques de la pensée sociale du XXIe siècle ».

 

 

Les éditions La Découverte viennent de publier la traduction française de l’ultime ouvrage du sociologue Erik Olin Wright : Stratégies anticapitalistes pour le XXe siècle. Très opportunément, elles proposent la version de poche de son copieux Utopies réelles [1]. Le lecteur pressé se précipitera sur le premier, avant (il faut l’espérer) d’aller vers le second. L’auteur, mort à la fin de janvier 2019, dit avoir conçu Stratégies anticapitalistes comme une version plus synthétique d’Utopies réelles. Il est, de fait, beaucoup plus abordable. L’approche de sa mort en a accéléré l’écriture, sans en altérer la cohérence et la pertinence, même si l’ouvrage est et restera inachevé. C’est principalement de celui-là dont il est question ici.

Sur la base de sa très longue observation des classes sociales (à quoi la sociologie contemporaine s’est moins intéressée que par le passé), Erik Olin Wright part de l’idée commune selon laquelle il serait plus facile d’envisager la fin du monde que celle du capitalisme. L’auteur réfute cette vision pessimiste et fataliste. Il démontre ainsi en quoi son renversement est non seulement pertinent, mais qu’il est de surcroît possible. Voilà de quoi apporter de l’eau au moulin d’Ignacio Ramonet, qui affirmait en guise de titre à un éditorial du Monde diplomatique, qu’« Un autre monde est possible » [2]. Et comme E. O. Wright, I. Ramonet ressentait non seulement qu’« sursaut collectif [devenait] indispensable », mais qu’il avait « un besoin d’utopie » face aux assauts du néo-libéralisme.

Le sociologue américain commence par préciser ce que cela est d’être anti-capitaliste. C’est se placer en opposition complète à l’emprise que l’idéologie capitaliste exerce sur les individus et les sociétés, en rognant davantage la liberté de chacun par une exploitation exacerbée, une mise en concurrence, résultats de la concentration des pouvoirs dans les mains d’une petite oligarchie. L’hétéronomie l’emporte donc davantage de jour en jour sur les capacités d’autonomie, pour reprendre les thèses popularisées par André Gorz, Cornelius Castoriodis ou Ivan Illich. Cependant, si la conscience de ce constat est largement répandue, l’opinion que l’on ne puisse guère y faire quelque chose l’est également. Une rapide rétrospective des luttes sociales menées ces dernières décennies et des résultats obtenus (quand il en est) suffit à annihiler tout esprit de révolte contre cet état de fait. Les positions capitalistes, protégées par les dispositifs sécuritaires étatiques, semblent inexpugnables. Les stratégies « réformistes » ou « révolutionnaires » (pour reprendre l’opposition classique) auraient donc largement échoué, ainsi que celles qui consistent à fuir en se coupant de la société. Un examen plus fin permettrait probablement de nuancer cette vision des choses. Mais ce qu’Erik Olin Wright veut nous faire comprendre, c’est qu’on ne peut chercher à aménager le capitalisme : on n’obtient qu’une atténuation de ses effets les plus négatifs sans en entraver la marche en avant.
Toutefois, Erik Olin Wright estime qu’il existe une voie encore insuffisamment inexplorée : celle d’une érosion du capitalisme. À ses yeux, cette stratégie permettrait d’éviter une réaction, tout en protégeant chacun des attitudes radicales : il ne faut jamais perdre de vue que l’objectif est de favoriser l’émancipation individuelle. Or, les expériences révolutionnaires ont abouti à l’effet inverse. L’alternative proposée par Erik Olin Wright consiste donc à inscrire dans les mentalités l’idée qu’elle peut advenir, ce qui rognera les ailes de la réaction. En même temps, il s’agira de profiter des échéances électorales pour aller vers des réformes de fond susceptible de transformer la société en profondeur. Pour cela, il faut s’appuyer sur ce qui existe déjà en renforçant considérablement leur contrôle par la population : les services publics (à l’image de la Sécurité sociale au moins jusqu’en 1967), les comités d’entreprise (qui doivent acquérir un regard sur la gestion et la stratégie, ce qui rappelle les caisses d’investissement imaginées par Bernard Friot, alimentées par des cotisations sociales), les établissements financiers (pour orienter les investissements vers les secteurs propres à répondre aux besoins du plus grand nombre, tout en protégeant les ressources et l’environnement), les revenus (en approfondissant leur contrôle par ses bénéficiaires, de façon à renforcer leur autonomie [3]), etc. Autrement dit, favoriser l’émergence d’« activités économiques alternatives, non capitalistes, où prévalent des relations démocratiques et égalitaires ».
Il s’agit donc d’un travail de sape qui se pratiquera sur un long terme, qui peut être acquis en combinant les luttes sociales et les actions menées dans les structures publiques et privées. Un lecteur excessivement rapide pourra en conclure qu’Erik Olin Wright n’est rien d’autre qu’un social-démocrate. En réalité, son objectif d’émancipation le rapproche des expériences libertaires, envisager comme autant de laboratoires sociaux susceptibles de stimuler l’imagination et donc l’autonomie mais aussi la solidarité.
Reste à résoudre deux problèmes important. Le premier tient à l’émiettement social qui exacerbe les tendances individualistes. L’autre tient à la collusion entre les élites, qui tiennent à la fois les structures économiques et politiques. L’observation de l’Histoire montre que son évolution n’est jamais une ligne droite, mais est le résultat d’inflexions imposées par des paramètres particuliers. Les révolutions de 1789 ou de 1917 en sont un exemple : les acquis sociaux des lendemains de la seconde guerre mondiale en sont un autre. Les crises climatique et sanitaire qui se développent peuvent comporter une part d’opportunité susceptible d’attiser la conscience et l’imagination des populations et de les pousser à l’action. Ce qui s’est déroulé en France en mars 2020, par exemple, a montré l’impotence de l’État : le vide a favorisé des conduites autonomes pour faire face aux difficultés (dans l’Éducation nationale, notamment, mais pas seulement).
Mais face à ces initiatives, vite reprises en main par les autorités publiques, on ne doit pas négliger les capacités de réaction ou d’inertie (plus simplement) des élites : le chantage à l’emploi et à la dette est amplement utilisé, tout autant que le détournement des biens sociaux (outils de production, capitaux financiers…). Le temps long préconisé par Erik Olin Wright peut s’avérer opportun, à la condition d’une permanence des objectifs d’une génération à l’autre. On pourra également objecter que les conditions actuelles imposent un temps plus court : il est question d’une « urgence climatique », irréversible, à l’échelle de quelques décennies au mieux. C’est cette tension entre ces deux temporalités qui marque probablement la limite la plus importante à la thèse développée par Erik Olin Wright. Ce n’est cependant pas une raison pour la rejeter, car la synthèse qu’il a effectuée a le mérite d’être très stimulante.



Notes

[1La première édition avait paru en août 2017.

[2Ignacio Ramonet, « Un autre monde est possible », Le Monde diplomatique, mai 1998, p. 1.

[3On retrouve ici les thèses développées par Bernard Friot qui , sur la base de l’exemple des pensions de retraite, milite pour un salaire socialisé, attaché à la personne (comme c’est le cas des fonctionnaires) et non à une activité. Sur le travail de Bernard Friot, outre ses ouvrages, se reporter au site Réseau salariat

01/10/2020

Antoine Perraud, Le Capitalisme réel. Ou la preuve par le virus, La Découverte, coll. « Petits cahiers libres », 1er oct. 2020, 250 p., 15 €. ISBN : 9782348059551


Présentation de l’éditeur. « Le capitalisme, une fois terrassé l’ennemi communiste en 1989, s’est retrouvé sans contre-modèle. Tout à son hubris de vainqueur, ce système effréné a adopté les tares du vaincu : bureaucratie, opacité, autoritarisme, inégalitarisme. Il ne manquait plus que la preuve par le virus : la pandémie de Covid-19 a fait office de révélateur et d’accélérateur en cette année 2020. Trente-quatre ans après Tchernobyl, qui avait signé l’arrêt d’obsolescence du « socialisme réel ».

Rongée par la financiarisation galopante, au service d’une nomenklatura échappant à l’impôt, cette économie globale de marché en est venue à saper les services publics et à désintégrer la classe moyenne, gage de démocratie. Tournant le dos aux approches keynéso-rooseveltiennes, débarrassé du devoir d’incarner un modèle attractif aux yeux de populations vivant sous un régime communiste, le système a muté. Et ce pour déboucher sur un capitalisme de surveillance propre à deux puissances laboratoires en la matière : la Chine et la Russie.

L’heure est au droit de grève traité en activité anticapitaliste, aux samizdats électroniques (Leaks en tous genres), voire aux dissidents (d’Edward Snowden à Julian Assange) ; tandis que Donald Trump prend des airs de Nicolae Ceausescu. Le tout sur fond de croyance indécrottable en un marché total – le pendant de l’État total des démocraties populaires de naguère. Trente et un ans après la chute du mur de Berlin, voici que le soviétisme s’avère stade suprême du capitalisme ».

 

Aujourd’hui journaliste à Médiapart, Antoine Perraud nous gratifie de billets dans lesquels nous retrouvons la verve et la malice de celui qui anima longtemps, sur France Culture, l’émission « Tire ta langue ». Son ton mesuré masquait mal l’amusement avec lequel il jouait avec les subtilités de la langue française. Reconnaissons-lui un autre mérite : celui de ne pas l’avoir dans la poche. Il le démontre encore une fois dans l’ouvrage qu’il vient de faire paraître. Profitons-en car Antoine Perraud n’est pas du genre prolixe : son dernier, La Barbarie journalistique, date de 2007.

Dans cet essai, il nous donne à voir le capitalisme assez gauche, si l’on peut dire, empreint d’une grande tristesse depuis trente ans. C’est qu’il lui manque son vis-à-vis, qui lui tendait son miroir : le socialisme réel. Alors, il n’a rien trouvé de mieux que de le ressusciter, presque, en s’affublant de ses oripeaux. Lla crise du (ou de la) COVID-19 qui en a fait prendre conscience Antoine Perraud, qui l’a alors débusqué dans le réduit où il se déguise. À l’en croire, le capitalisme aurait réussi là où le socialisme réel a échoué, en achevant son programme. Car derrière les forces de l’ordre matraquant à tout va les Gilets jaunes, comment ne pas voir l’ombre des Schupos d’Erich Honecker réprimant à grand peine, en 1989, les Allemands de l’Est cherchant à faire tomber les frontières. Il saisit également les atteintes de plus en plus sévères à la liberté de la presse pour le démasquer : il faut désormais faire bonne figure avant que d’être accepté à suivre la police, en marchant et en regardant là où il faut. Les Trump et Johnson ne sont finalement que des socialistes de l’ancien temps, derrière leur faux-nez. Le temps est donc venu de l’avènement du capitalisme réel.

Les deux cent cinquante pages se dévorent à toute vitesse, sans que jamais l’indigestion soit à craindre. Outre le plaisir qu’on à le lire, Antoine Perraud s’appuie sur un nombre important de références, à des articles, des ouvrages scientifiques. C’est que sa thèse n’est en rien l’œuvre d’un facétieux plaisantin qui n’aurait rien trouver de mieux à faire, pendant le confinement du printemps, que d’écrire pour amuser la galerie. Sitôt la dernière page lue, on se prend à ouvrir grands les yeux, à se dire que la vision l’ami Perraud n’est pas dénué d’un sens certain de la réalité, et surtout à se demander ce qu’il reste de la démocratie réelle.

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...