Présentation de l’éditeur. « Trois cousins juifs, Andrea, Martino et Cati, sont persécutés par les lois raciales de Mussolini à l’aube de la seconde guerre mondiale. Forcé de quitter Trieste pour New York, Andrea essaiera de retrouver une vie normale, hanté par les fantômes du passé.
À travers le destin d’Andrea Goldstein, jeune homme juif, Andrea Serio nous fait percevoir avec douceur et empathie, l’intensité, la violence, la bêtise crasse et innommable de cette sombre époque, comme les prémisses mortifères de ce qu’à nos portes, certains de nos contemporains vivent aujourd’hui.
« À dater du jour du 15 octobre 1938, Victor Emmanuel III, par la
grâce de Dieu et par la volonté de la nation, roi d’Italie, empereur
d’Éthiopie, ayant entendu le Conseil des ministres, décrète que tous les
enseignants de race juive seront suspendus de leur service, et ne
pourront être inscrits les élèves de race juive.
Sont considérées comme de race juive les personnes nées de parents tous
deux de race juive, quand bien même elles professeraient une autre
religion que la religion juive… ».
L’immigration et le racisme sont au cœur de ce récit subtil et contemplatif. Rhapsodie en bleu
est un authentique choc esthétique. Andrea Serio retrace toutes les
nuances des émotions qui nous portent à la lecture du livre par la grâce
et la variété de ses couleurs pastel qui rappellent celles de Lorenzo
Mattotti.
Rhapsodie en bleu est l’adaptation libre du roman de Silvia Cuttin, inédit en France, (Ci sarebbe bastato) qui s’est inspirée de l’histoire douloureuse de sa famille pour écrire ce récit ».
L’album d’Andrea Serio paraît avec un petit autocollant le signalant au lecteur potentiel comme « révélation BD de l’année ». De fait, cela n’est pas usurpé, pour ce que j’ai pu avoir entre les mains depuis quelques mois. La réussite de Rhapsodie en bleu, qui reprend le titre de l’œuvre célèbre de George Gershwin (1924), laquelle s’ouvre sur un fameux solo de clarinette, repose sur deux éléments.
En premier lieu, cette bande dessinée séduit par la dextérité d’Andrea Serio. Elle est perceptible dans ses crayonnés (en couleurs) qui tendent à l’aquarelle dans la première page qui montre un navire sur l’océan : l’auteur a probablement utilisé des crayons gras, dont le tracé est parfois étalé au doigt. On évolue ainsi dans une atmosphère assez particulière, que soulignent encore la variété des cadrages et le décor très réfléchi : il disparaît tantôt, pour souligner les personnages dans un espace blanc, ou apparaît avec précision. On sent une grande maîtrise chez Andrea Serio, qui reste très mal connu en France. Sa notoriété va fortement progresser avec Rhapsodie en bleu.
Mais au-delà de cet aspect, la qualité du dessin et le soin apporté
au choix des couleurs vient appuyer un récit bien maîtrisé qui entraîne
le lecteur jusqu’à la dernière page, sans faiblir. Nous sommes en
septembre 1938, dans un contexte celui de celui qu’Ettore Scola a
exploré avec Une Journée particulière (Una giornata particolare,
1977). Le 6 mai, Hitler a effectué une visite officielle remarquée dans
l’Italie fasciste de Mussolini, manière de sceller le destin des deux
régimes totalitaires et de leur pays : c’est le cadre du film de Scola.
Andrea Serio nous place quelques mois plus tard, et nous voyons les
effets du rapprochement entre les deux dictateurs, au travers des
mesures antisémites annoncées par Mussolini à Trieste, le 18 septembre.
On suit Andrea, qui quitte la foule rassemblée sur la place de l’Unité
italienne, et nous entendons avec lui des extraits significatifs du
discours. On sent l’angoisse monter dans la famille d’Andrea, juive, qui
envisage de faire quitter le pays à leur fils et à leur fille, Magda.
C’est chose faite un an plus tard. Andrea revint en Italie cinq ans plus
tard, à Naples dévastée par les bombardements. Entre temps, on suit son
parcours aux États-Unis, dans le Bronx à New York, et ce qui,
finalement, lui fera choisir le chemin de la guerre, lui qui n’a plus
que des nouvelles épisodiques de sa famille.
On tend à adoucir l’image du régime fasciste, en oubliant complètement
la répression antisémite, probablement au regard du génocide dont
l’Allemagne nazie porte la responsabilité de son initiation, mais auquel
Mussolini contribue volontairement. Plusieurs milliers de juifs arrêtés
en Italie le paieront de leur vie. C’est précisément le grand mérite
d’Andrea Serio que de rappeler à ses contemporains ce que fut ce régime,
et jusqu’à quel point il porta l’ignominie.
Il reste à espérer que paraisse la traduction française du roman de Silvia Cuttin, Ci sarebbe bastato (quelque chose comme : Cela aurait été suffisant pour nous), toujours inédit en France,
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