Un premier album, indique l’annonce de l’éditeur ? Avec un tel niveau de maîtrise et créativité graphique, on en doute fortement ; est-ce d'ailleurs une « bande dessinée » ?… Et pourtant, c’est bien le cas, même si l’appellation « bande dessinée » n’est pas l’expression qu’on utiliserait spontanément pour qualité ce travail. Hyacinthus a une formation d’artiste graveur et de dessinateur, notamment aux Arts décoratifs, et cela se voit dans chacune des illustrations. On y retrouve tout ce qui fait le charme d’un Gustave Doré et de tous ceux qui ont participé aux ouvrages de Jules, pour ne prendre que ces deux exemples : un travail extrêmement soigné, minutieux, à l’encre noire1 . La couverture n’est pas forcément le meilleur exemple qui nous soit donné (la lecture achevée, on devient difficile…). Il faut ajouter à l’aspect graphique la qualité de la typographie, tout en ligatures pour les caractères latins (en garamond), qui ne fait pas l’impasse sur le grec ancien. Pour ce dernier, on a droit à une typographie adaptée de poinçons originaux conservés au musée Plantin-Moretus à Anvers2 . Cela montre assez le souci de la bonne ouvrage qui anime Hyacinthus3 .

Tout cela ne serait rien s’il ne servait un propos intéressant. Là encore, c’est le cas. Hyacinthus nous fait assister à la création de l’univers : rien que cela… Il s’appuie sur des extraits d’œuvres d’auteurs antiques (Lucrèce, Ovide, Sophole, Virgile…), traduits, qu’il met en regard de ce que nous savons aujourd’hui de la formation de notre monde : « comment la Terre, le Soleil et la Lune, l’éther commun, le lait du ciel étoilé, l’Olympe le plus reculé et les astres brûlants  ont commencé à se former », pour reprendre la formule de Parménide d’Élée4 placée en quatrième de couverture. Il serait bien difficile de restituer davantage le propos : Les Cosmogoniales se regarde, se lit, mais il est surtout conçu comme un véhicule destiné à embarquer le lecteur dans un rêve éveillé.

Le résultat est à la mesure des éloges qui viennent d’être fait. Hyacinthus nous offre ainsi non seulement un bel objet qu’on a plaisir à compulser, mais une œuvre très poétique ne serait-ce que par le choix des extraits qu’il a retenus. On a hâte de le retrouver pour un deuxième album, car on est ici aux prémisses d’un travail remarquable et original qui met cet auteur à la hauteur d’un Marc-Antoine Mathieu.


Notes