Affichage des articles dont le libellé est Participation des femmes. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Participation des femmes. Afficher tous les articles

31/08/2023

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8


Présentation de l'éditeur.
« Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait de petites mains, qui hébergent, qui convoient, qui ravitaillent et sans lesquels rien n’aurait été possible.

Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, organisent le plus grand réseau d’évasion de la Seconde Guerre mondiale. Son but : conduire des aviateurs de Belgique jusqu’au Pays-Basque, en évitant les patrouilles allemandes, les gendarmes de Vichy et les garde-frontières franquistes.
Voici l’histoire d’une montagne indomptable, d’une comète qui traversait la France en déchirant la nuit de l’occupation, l’histoire d’hommes et de femmes rebelles dont la liberté guidait les pas, un « ordre de la nuit » sans lequel rien n’aurait été possible ».
 
 
 
 
Parmi les réseaux d'évasion qui s'organisèrent pendant l'Occupation, Comète est probablement l'un de ceux qui ont acquis une notoriété importante, à défaut d'être bien connu. Dès la campagne de France, bon nombre d'évadés ont pu être aidés, quelle que soit leur nationalité, en trouvant un refuge, de quoi se nourrir, des vêtements civils, voire même des faux papiers d'identité. Peu à peu, de véritables filières se mirent en place pour aider à leur déplacement, à l'échelle d'un département, d'une région, voire même à l'échelle internationale. Le Royaume-Uni comprit l'intérêt de ces organisations, capables de rapatrier les membres des équipages abattus : leur formation, la nature de leur spécialité, et leur nombre relativement assez limité, furent des arguments qui convainquirent les autorités britanniques. Comète était l'une d'elles.
C'est la Bruxelloise Andrée de Jongh (née en 1916) qui en est à l'origine. Comme beaucoup, elle a été influencée par l'exemple de ceux qui résistèrent à l'occupation allemande de la Belgique. Il s'agit notamment d'Edith Cavell, infirmière britannique membre du MI6, fusillée en octobre 1915 pour avoir organisé l'évasion de soldats alliés vers les Pays-Bas. Dessinatrice publicitaire, Andrée de Jongh exerce en 1940 comme infirmière. Avec son père, elle aide des soldats alliés à échapper à la captivité. À partir de l'été 1941, elle organise des convoiements vers l'Espagne, participant personnellement à la plupart d'entre eux. La ligne d'évasion prend le nom de Comète (The Comet Line), reconnue par le MI9 qui le finance. Andrée de Jongh cherche cependant à préserver l'autonomie de l'organisation, qui intéresse également les services secrets belges. Elle est arrêtée au Pays basque en janvier 1943, et déportée sous le statut NN (Nacht und Nebel), mais pu être rapatriée en 1945. Son père lui avait succédé à la tête du réseau, mais il est arrêté rapidement en juin 1943 et fusillé au Mont-Valérien. Entre août 1941 et juin 1944, Comète prend en charge près de sept cents Alliés, dont la moitié parvient en Espagne grâce à l'action de deux milliers de personnes, dont un grand nombre de femmes. Elles représentent d'ailleurs le tiers des 155 agents fusillés ou morts en prison ou en déportation.

L'album se concentre principalement sur les activités de Comète au Pays basque. Cela résulte du choix des auteurs, qui ont pris comme angle d'entrée le témoignage de Christiane Saldias, qui fut membre du réseau. Cela donne un récit plus vivant, avec un personnage central que l'on suit et auquel on peut s'identifier. En revanche, le risque est de basculer dans le panégyrique, sous couvert d'hommage. Andrée de Joncq apparaît ainsi dans une dimension héroïsante, transcendée par son énergie, mais dont on perçoit mal les fragilités. Heureusement, ce trait ne caractérise pas l'ensemble de l'album. Les auteurs ont pris soin d'évoquer la place importante des femmes en insistant sur la modestie de leurs actions, mais aussi les maladresses et l'inconscience de certains évadés,  les trahisons de voisins... Avec la complaisance, voire même la complicité de douaniers, de contrôleurs, on parvient à un récit qui s'équilibre. Il y réussit d'autant mieux qu'il est soutenu par le dessin d'Holgado et Marko, réhaussé par les couleurs d'Aretha Battistutta. Une scène (entre autres) peut l'illustrer, qui montre la colonne des évadés dans les Pyrénées, alors que l'aube pointe à l'horizon. Le même paysage a d'ailleurs servi en couverture, mais avec un autre angle de vue et l'ombre inquiétante de deux soldats allemands.
Enfin, on appréciera le dossier documentaire qui clôt l'album, qui permettra d'aller un peu plus loin que la bande dessinée.

15/03/2023

Julien Hervieux (sc.), Virginie Augustin (ill.), Le Petit Théâtre des opérations. Toujours prêtes !, Fluide Glacial, 56 p., 8 mars 2023, 15,90 €. ISBN 979 1 0382 0470 6


Propos de l'éditeur. «
Découvrez le spin-off de la série du Petit théâtre des opérations, qui met à l'honneur le destin de femmes d'exception oubliées des deux Guerres mondiales.

Saviez-vous que les Allemands avaient affronté un régiment de sorcières durant la Seconde Guerre mondiale ? Ou que l'armée serbe en 1914 comptait dans ses rangs "Milun", la Mulan locale, qui faisait régner la terreur à coups de grenades ? Et quid de Marie Marvingt, qui a été tour à tour soldat, infirmière, et qui pilotait encore un hélicoptère à réaction à 86 ans ? Ça ne vous dit rien, ou si peu ?
 
Avec Toujours Prêtes ! de Virginie Augustin et Julien Hervieux, vous allez pouvoir corriger cela, et bien plus encore. Car si l'on parle souvent des femmes de pouvoir et des militantes qui ont fait la Grande Histoire, les combattantes qui sont allées au feu, elles, restent toujours dans l'ombre.
 
Avec ce tome spécial du Petit Théâtre des Opérations, série dédiée aux histoires méconnues des deux guerres mondiales, les auteur·e·s mettent un coup de projecteur sur des destins oubliés, des injustices absurdes et surtout... sur des femmes qui, quand l'Histoire a frappé à leur porte, ont répondu d'une seule voix : Toujours Prêtes ! ».
 

La série du Petit Théâtre des opérations se poursuit (voir les comptes rendus de lecture des trois premiers tomes sur ce site). Le quatrième volume semble d'ailleurs le premier d'une nouvelle volée d'albums, consacrés cette fois aux femmes dans les deux guerres mondiales. Et pour l'occasion, la dessinatrice Virginie Augustin a remplacé Monsieur Le Chien aux crayons, stylos et feutres (la publication de l'album un 8 mars est purement fortuite). Julien Hervieux (oui : l'Odieux Connard…) reste aux manettes du scénario. Bien évidemment, le style graphique a changé : il s'agissait pas de faire une imitation des précédents volumes. Mais le scénario demeure ce qu'il était. L'histoire des deux guerres est vue en prenant l'angle d'un personnage particulier, le tout sur un ton humoristique (on est chez Fluide, enfin…). Huit femmes en guerre sont présentées dans l'album. En voici une présentation rapide.

Marie Marvingt (1875-1963) s'est signalée par une activité sportive débordante. Elle en pratique de nombreux à un niveau très honorable, malgré les obstacles posés sur sa route : alpinisme, tir, ski, etc. Elle est ainsi la première femme à faire et terminer le Tour de France cycliste, en 1908, en dehors de la compétition bien sûr réservé aux hommes. Elle passe son brevet de pilote d'avions puis d'hélicoptères (à 88 ans…). Elle est la première aéronaute (brevetée) à réussir la traversée de la Manche en ballon (1909). Elle échoue à entrer dans un escadrille de bombardement en 1914 (malgré deux missions réussies, sans autorisation), renvoyée aux soins infirmiers. Marie Marvingt réussit tout de même à combattre dans les tranchées pendant une cinquantaine de jours, avec le 42e bataillon de chasseurs à pied, avant qu'on la démasque. Elle créée un service d'infirmières pilotes ; elle est à nouveau engagée dans l'aviation sanitaire pendant la seconde guerre mondiale. Surnommée « la fiancée du danger », elle conserve une activité physique hors du commun jusqu'à sa mort.
 
Nancy Wake (1912-2011) est une journaliste australienne qui participe très activement à la Résistance en France, ce qui lui vaut le surnom de « la souris blanche ». D'abord infirmière, elle entre au service du réseau d'évasion Pat O'Leary, puis du SOE (Special Operations Executive), chargé de soutenir les groupes résistants dans les pays occupés par les forces de l'Axe, afin d'aider à la réussite des opérations alliées (sabotage, renseignement…). C'est ainsi qu'elle est parachutée en avril 1944, pour une mission en Auvergne. Elle participe à de multiples opérations, dont l'attaque du siège du SD (la Gestapo) de Montluçon (Allier). Nancy Wake est la femme la plus décorée de la guerre.
 
Milunka Savić (1890-1973). La combattante serbe s'engage dans les guerres balkaniques sous un nom masculiné (Milun Savić). Le subterfuge tient jusqu'à sa blessure, en 1913. Elle poursuit le combat pendant la première guerre mondiale, démontrant une aptitude au tir à la grenade assez peu commune. Milunka Savić tombe dans l'oubli après 1918, jusqu'à la diffusion d'un documentaire qui lui est consacré en 2013. Son corps est aujourd'hui enterré dans l'Allée des Grands, au cimetière de Belgrade.
 
Octavie Delacour (1858-1937). Le hasard conduit cette modeste Normande à participer à un fait peu connu. En septembre 1914, après la bataille de la Marne, commence la Course à la mer : les armées cherchent à se déborder. Plusieurs expéditions allemandes motorisées s'infiltrent à l'arrière des troupes alliées, chargées d'organiser des sabotages. Le 13 septembre, l'une d'entre elles part de l'Aisne (Leuilly-sous-Coucy). Elle parvient dans le département de la Seine-Inférieure trois jours plus tard, ses membres étant pris pour des Anglais. Près de Neuf-Marché, le groupe est reconnu par Octavie Delacour, tout à fait par hasard, qui donne l'alerte. Il est difficilement arrêté le lendemain, à proximité de la Seine, après quelques escarmouches.
 
Yoshiko Kawashima (1907-1948). Princesse mandchoue, elle est élevée au Japon. Elle participe à des opérations d'espionnage pour le compte de l'armée impériale. Elle crée un groupe de cavalerie en 1932, qui combat la résistance aux troupes japonaises dans le Mandchoukouo. Yoshiko Kawashima est arrêtée en novembre 1945 par le contre-espionnage chinois, au service du gouvernement nationaliste de Tchang Kaï-chek. Jugée, elle est fusillée en 1948.
 
Marie Curie (1867-1934) est probablement la plus connue des femmes évoquées dans l'album, grâce à ses travaux en chimie et physique qui lui valurent un double prix Nobel, notamment sur des éléments nucléaires. Elle prend cependant part à la première guerre mondiale, non comme combattante, mais en mettant son expérience scientifique au service des soins médicaux. Elle conçoit une unité d'automobiles radiologiques, vite surnommées les petites Curies, qui circulent à proximité des champs de bataille pendant toute la guerre. Le dispositif permet de repérer rapidement les débris des projectiles dans le corps des blessés recueillis : les soins sont administrés avec précision et célérité.
 
Les « Sorcières de la nuit ». Le premier tome du Petit Théâtre avait déjà retenu l'une des aviatrices soviétiques, Anna Iegorova (1916-2009). Des femmes furent en effet engagées dans au moins trois unités aériennes : 586e régiment d'aviation de chasse ; 587e régiment d'aviation de bombardement ; 588e régiment d'aviation de bombardiers de nuit. C'est dans ce dernier que l'on trouve les « sorcières de la nuit », qui effectuaient leurs missions nocturnes à bord de Polikarpov Po-2, en toile et bois. Volant d'abord à basse altitude, les Po-2 remontaient à l'approche de leur cible, avant de plonger moteur éteint, ce qui créait un fort effet de surprise. Au sol n'était perçu que le sifflement de l'air sur la structure de l'avion, avant l'éclatement des bombes.
 
Marie Depage (1872-1915), issue de la haute bourgeoisie bruxelloise, est devenue infirmière au service de l'armée belge. Avec son mari Antoine, médecin et président de la Croix-Rouge belge, elle fonde en 1907 l'École belge d'infirmières diplômées, dont la direction est assurée par la Britannique Édith Cavell, qui prit part à la Résistance en Belgique. Après avoir créé une unité d'ambulances lors de la guerre balkanique de 1912, le couple transforme un hôtel de La Panne en hôpital dès 1914, ainsi que des unités chirurgicales mobiles installées au plus près des lignes. Au retour d'une tournée caritative aux États-Unis, Marie Depage embarque sur le Lusitania, coulé le 7 mai 1915 par des sous-marins allemands au large de l'Irlande. Elle donne les premiers soins aux blessés, mais meurt noyée après s'être jetée à l'eau. Un monument érigé à Uccle rend hommage à Marie Depage et Édith Cavell, fusillée le 12 octobre 1915.

Il est à noter que le Petit Théâtre fait (ou va faire) l'objet d'une exposition itinérante et de fiches pédagogiques.
 
Enfin, on pourra compléter ces évocations par la série « Les Femmes ou les « oublis » de l'Histoire », que Juliette Raynaud a commencé à publier sur son blog de Médiapart. En voici les sept premières, mais bien d'autres sont à découvrir sur son site Team Colibri :


Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...