18/09/2019

Gerardo Balsa, L’Ombre du Condor, t. 1, « 1936. Duel sous le ciel d’Espagne », éd. du Long Bec, 18 sept. 2019, 98 p., 15,90 €


 Présentation de l’éditeur. « Sur terre comme dans les airs, les destins croisés de deux soldats que tout oppose… Un constat édifiant sur l’horreur de la guerre d’Espagne… ».


Le récit se place dans les premiers temps de la guerre d’Espagne, entre juillet et octobre 1936. Il met aux prises plusieurs protagonistes. On a un aristocrate allemand qui appartient à la légion Condor, Dieter von Moltke, figure très chevaleresque qui entend qu’on se batte en respectant certaines règles : on ne tire pas sur le parachute d’un pilote abattu. Dans le camp républicain, plusieurs personnages apparaissent parmi lesquels un mécanicien, Pedro Goya (sic), se fait remarquer par ses talents de mitrailleur, et qui ne tarde pas à être embarqué en vol. Toutefois, le propos ne tarde pas à décevoir : on n’a rien que de bien classique, sur fond d’amour (dont on ne voit pas bien ce que cela apporte), de héros au grand cœur, etc. Il reprend de l’altitude, si l’on peut dire, avec l’utilisation du contexte international. On a en effet les initiatives prises par Pierre Cot, ministre de l’Air, qui organise l’approvisionnement des républicains en appareils français. L’opération est confiée à André Malraux. De l’autre côté, on voit comment l’aviation a été un élément important dans le succès franquiste, après l’échec du coup d’État du 18 juillet 1936.

Dans ce monde d’hommes, les femmes semblent jouer un rôle secondaire, trop souvent réduites à servir au repos du guerrier. Pourtant, l’une d’elles est Sofia Rigau, compagne de Pedro Goya, mais surtout militante et organisatrice de l’administration de l’escadrille d’Espagne.

Néanmoins, l’album se signale par la grande qualité des illustrations. Gerardo Balsa n’en est en effet pas à sa première bande dessinée. Il en a notamment publiées à Zéphyr Éditions, qu’il a consacrées à l’aviation, domaine dans lequel il excelle à restituer le moindre détail des appareils qu’il dessine. Et il y en a un sacré lot dans ce récit sur la guerre d’Espagne : Bréguet XIX (dont les premiers modèles remontent à la première guerre mondiale), Heinkel He-51, Potez 540, Dewoitine D371/372, Loire 46, Bloch MB 210, Vickers Vildebeest, Nieport-Delage NiD 52, Focke-Wulf FW 44 Stieglitz, Junckers  Ju/52, évidemment le Polikarpov I-15, etc. Tous les appareils font d’ailleurs l’objet d’une notice technique dans un cahier final, avec un commentaire concernant leur rôle dans ce conflit. Autant dire que le travail de Gerardo Salsa s’appuie sur une documentation très solide.

On a également apprécié la préface d’Antonio Martín, qui aide bien à comprendre les enjeux de la guerre d’Espagne au travers de l’album, et propose également quelques affiches républicaines intéressantes.

Stéphane Heurteau, Long Kesh. Bobby Sands et l’enfer irlandais, éd. du Long Bec, 18 sept. 2019, 160 p., 20 €. ISBN 978-2-37938-030-3


Présentation de l’éditeur. « Un roman graphique poignant, consacré à la détention et la mort de Bobby Sands, grande figure de l’IRA, incarcéré dans la prison de Long Kesh. Entre récit historique, polar et reportage… ».

 

Les luttes qui ont marqué l’histoire de l’Irlande au XXe siècle constituent un thème dont la bande dessinée s’est emparée. On avait d’ailleurs rendu compte dans la Cliothèque de l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, Mon Traître. Pourtant, si l’Irlande fait partie de l’Union européenne, son passé récent est assez mal connu : n’apparaissant jamais dans les programmes d’histoire-géographie en France, il a rejoint néanmoins l’imaginaire révolutionnaire avec toute la subjectivité que cela représente. Aussi, chaque nouvelle publication est l’occasion de s’interroger sur cet objet particulier.

Long Kesh n’échappe à ce principe, d’autant qu’il s’inscrit dans la réalité : celle du combat de Booby Sands et de ses compagnons de l’IRA contre l’oppression britannique. Ce qui frappe d’abord le lecteur, c’est le dessin. Les couleurs sombres dominent des lignes sobres, d’où émergent les visages des protagonistes. Stéphane Heurteau excelle à rendre les expressions, dans leur dureté notamment, et « l’enfer irlandais » qui s’est constitué dans cette prison de Long Kesh, nom donné au centre pénitentiaire de Maze (Irlande du Nord). Il excelle également à restituer la violence qui s’est exercée sur les prisonniers politiques. L’auteur montre également les stratagèmes que ces derniers utilisent pour communiquer entre eux et avec l’extérieur, et la lutte qu’ils entament : le refus de porter les vêtements de prisonniers, mais de simples couvertures trouées en guise ponchos ; la destruction du mobilier ; le refus d’utiliser leur droit de visite mensuelle ; l’organisation d’une tentative d’évasion ; la grève de l’hygiène (les excréments étalés sur les murs des cellules, avec les conséquences qu’on imagine), etc.

Le paroxysme est constitué par la grève de la faim entamée progressivement par douze prisonniers, dans un premier temps, pour que le mouvement dure plus longtemps. On apprend d’ailleurs que des femmes enfermées dans la prison d’Armagh s’y joignent également. On suit en particulier Bobby Sands, en proie aux turpitudes de certains gardiens, qui continuent à lui donner un plateau de nourriture (souillée) chaque jour. On voit à cette occasion que cette lutte interne se double d’actions à l’extérieur. En plus de la médiatisation des actions, des exécutions visent des gardiens, parmi les plus féroces. Des prisonniers sont présentés aux élections par le Sinn Fein : Booby Sands est ainsi élu député, tout en étant empêché d’aller au parlement. Pendant ce temps, les grévistes de la faim commencent à subir les conséquences de l’absence d’alimentation : la cécité les gagne au fur et à mesure que leurs forces déclinent. Booby Sands meurt le 5 mai 1981, au terme de soixante-six jours de grève. En même temps que la très forte émotion que sa mort provoque, des émeutes éclatent en Irlande du Nord. Le gouvernement britannique reste pourtant insensible au sort des autres grévistes : neuf autres prisonniers meurent bientôt entre mai et août 1981, après quarante-six ou soixante-treize jours de lutte.

L’auteur précise qu’une tentative d’évasion réussit : trente-huit prisonniers s’échappent en 1982. Huit ans après les accords d’avril 1998, Long Kesh est détruite.

Au dessin dont on a déjà souligné les qualités s’ajoutent des dialogues épurés, ce qui contribue à donner une force incroyable à l’album très réussi. C’est peu de dire qu’on ne sort pas indifférent de sa lecture, tant la tension est maintenue de bout en bout.

01/09/2019

Renaud Garcia, Pierre Kropotkine & l'économie par l'entraide, Le Passager clandestin, coll. « Précurseur.ses de la décroissance », septembre 2019, 132 p., 10 € ISBN : 978-2-36935-232-7


Présentation de l'éditeur. « Pourquoi l'entraide est-elle notre unique chance de survie ?

Géographe, naturaliste, explorateur, militant et théoricien du communisme anarchiste, Pierre Kropotkine (1842-1921) s'est insurgé contre la vision d'une société régie par la compétition et la concurrence. Réfutant les théories du darwinisme social, il montre que la coopération et la solidarité sont un facteur essentiel de la survie des espèces.

Il trace les contours d'une économie par l'entraide qui garantit la satisfaction des besoins, évite le gaspillage et engendre une organisation collective maîtrisable par les individus.

Renaud Garcia rappelle que les propositions du "prince des anarchistes" restent des pistes d'actualités pour contrer l'idéologie capitaliste compétitive et le productivisme ».

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...