Présentation de l’éditeur. « Le capitalisme, une fois terrassé l’ennemi communiste en 1989, s’est retrouvé sans contre-modèle. Tout à son hubris de vainqueur, ce système effréné a adopté les tares du vaincu : bureaucratie, opacité, autoritarisme, inégalitarisme. Il ne manquait plus que la preuve par le virus : la pandémie de Covid-19 a fait office de révélateur et d’accélérateur en cette année 2020. Trente-quatre ans après Tchernobyl, qui avait signé l’arrêt d’obsolescence du « socialisme réel ».
Rongée par la financiarisation galopante, au service d’une nomenklatura
échappant à l’impôt, cette économie globale de marché en est venue à
saper les services publics et à désintégrer la classe moyenne, gage de
démocratie. Tournant le dos aux approches keynéso-rooseveltiennes,
débarrassé du devoir d’incarner un modèle attractif aux yeux de
populations vivant sous un régime communiste, le système a muté. Et ce
pour déboucher sur un capitalisme de surveillance propre à deux
puissances laboratoires en la matière : la Chine et la Russie.
L’heure est au droit de grève traité en activité anticapitaliste, aux samizdats électroniques (Leaks en tous genres), voire aux dissidents (d’Edward Snowden à Julian Assange) ; tandis que Donald Trump prend des airs de Nicolae Ceausescu. Le tout sur fond de croyance indécrottable en un marché total – le pendant de l’État total des démocraties populaires de naguère. Trente et un ans après la chute du mur de Berlin, voici que le soviétisme s’avère stade suprême du capitalisme ».
Aujourd’hui
journaliste à Médiapart, Antoine Perraud nous gratifie de billets dans
lesquels nous retrouvons la verve et la malice de celui qui anima
longtemps, sur France Culture, l’émission « Tire ta langue ». Son ton
mesuré masquait mal l’amusement avec lequel il jouait avec les
subtilités de la langue française. Reconnaissons-lui un autre mérite :
celui de ne pas l’avoir dans la poche. Il le démontre encore une fois
dans l’ouvrage qu’il vient de faire paraître. Profitons-en car Antoine
Perraud n’est pas du genre prolixe : son dernier, La Barbarie journalistique, date de 2007.
Dans cet essai, il nous donne à voir le capitalisme assez gauche, si
l’on peut dire, empreint d’une grande tristesse depuis trente ans. C’est
qu’il lui manque son vis-à-vis, qui lui tendait son miroir : le
socialisme réel. Alors, il n’a rien trouvé de mieux que de le
ressusciter, presque, en s’affublant de ses oripeaux. Lla crise du (ou
de la) COVID-19 qui en a fait prendre conscience Antoine Perraud, qui
l’a alors débusqué dans le réduit où il se déguise. À l’en croire, le
capitalisme aurait réussi là où le socialisme réel a échoué, en achevant
son programme. Car derrière les forces de l’ordre matraquant à tout va
les Gilets jaunes, comment ne pas voir l’ombre des Schupos d’Erich
Honecker réprimant à grand peine, en 1989, les Allemands de l’Est
cherchant à faire tomber les frontières. Il saisit également les
atteintes de plus en plus sévères à la liberté de la presse pour le
démasquer : il faut désormais faire bonne figure avant que d’être
accepté à suivre la police, en marchant et en regardant là où il faut.
Les Trump et Johnson ne sont finalement que des socialistes de l’ancien
temps, derrière leur faux-nez. Le temps est donc venu de l’avènement du
capitalisme réel.
Les deux cent cinquante pages se dévorent à toute vitesse, sans que jamais l’indigestion soit à craindre. Outre le plaisir qu’on à le lire, Antoine Perraud s’appuie sur un nombre important de références, à des articles, des ouvrages scientifiques. C’est que sa thèse n’est en rien l’œuvre d’un facétieux plaisantin qui n’aurait rien trouver de mieux à faire, pendant le confinement du printemps, que d’écrire pour amuser la galerie. Sitôt la dernière page lue, on se prend à ouvrir grands les yeux, à se dire que la vision l’ami Perraud n’est pas dénué d’un sens certain de la réalité, et surtout à se demander ce qu’il reste de la démocratie réelle.
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