Présentation de l'éditeur. « Qu’arrive-t-il à la gauche ? Est-elle effectivement en train d’agoniser ?
Si on n’a cessé, tout au long de sa brève existence, de prononcer son
requiem, elle a jusqu’à présent toujours déjoué les pronostics.
Pourtant, aujourd’hui, partout dans le monde, les mouvements de la
gauche organisée connaissent un déclin important. C’est peut-être qu’il
faut y voir le symptôme d’un effacement plus profond et bien plus
problématique, celui de l’« imaginaire de l’égalité », qui fut le
principal moteur de la gauche mondiale depuis sa naissance au XVIIIe siècle… C’est en tout cas l’hypothèse pour le moins perturbante de ce livre.
Et pour saisir sa pertinence, Shlomo Sand nous propose de remonter aux sources de cet « imaginaire » et d’étudier le façonnement, les transformations et les ajustements de l’idée d’égalité sur plus de deux siècles. Des Diggers de la première révolution anglaise à la formation de l’anarchisme et du marxisme, du tiers-mondisme aux révolutions anticoloniales, des féminismes post-MeToo au populisme de gauche aujourd’hui, ce livre revient en profondeur sur les penseurs et les mouvements qui ont bâti la gauche mondiale. Il montre à la fois les dynamiques globales et transnationales qui les ont animés, souvent en écho les unes avec les autres, la manière dont ils ont pensé l’égalité, mais aussi comment ils se sont heurtés au « mur » de l’égalité réelle et ont pu en tirer, ou non, les leçons nécessaires.
Avec le brio et l’engagement qu’on lui connaît, Shlomo Sand relève le difficile pari d’une brève histoire mondiale de la gauche qui s’adresse, avec un grand sens de la pédagogie, au plus grand nombre, tout en proposant des hypothèses originales à l’heure où nous devons nous employer, de toutes nos forces, à réactiver l’imaginaire égalitaire ».
Et pour saisir sa pertinence, Shlomo Sand nous propose de remonter aux sources de cet « imaginaire » et d’étudier le façonnement, les transformations et les ajustements de l’idée d’égalité sur plus de deux siècles. Des Diggers de la première révolution anglaise à la formation de l’anarchisme et du marxisme, du tiers-mondisme aux révolutions anticoloniales, des féminismes post-MeToo au populisme de gauche aujourd’hui, ce livre revient en profondeur sur les penseurs et les mouvements qui ont bâti la gauche mondiale. Il montre à la fois les dynamiques globales et transnationales qui les ont animés, souvent en écho les unes avec les autres, la manière dont ils ont pensé l’égalité, mais aussi comment ils se sont heurtés au « mur » de l’égalité réelle et ont pu en tirer, ou non, les leçons nécessaires.
Avec le brio et l’engagement qu’on lui connaît, Shlomo Sand relève le difficile pari d’une brève histoire mondiale de la gauche qui s’adresse, avec un grand sens de la pédagogie, au plus grand nombre, tout en proposant des hypothèses originales à l’heure où nous devons nous employer, de toutes nos forces, à réactiver l’imaginaire égalitaire ».
Comme un fait exprès (qui n'en est pas un), Le Monde diplomatique du mois de janvier 2022 a consacré un dossier à la question « Pourquoi la gauche perd » (p.1, p. 11à 17). On note la forme affirmative de ce titre, et non interrogative : il en est ainsi. Et paraît donc cet essai de Shlomo Sand, professeur d'histoire émérite à l'université de Tel-Aviv, qui invite à une réflexion sur des bases à peu près identiques, comme l'exprime d'ailleurs la présentation de l'éditeur qu'on vient de lire. À cela près que l'auteur, « né à gauche » comme il se présente dès les premières pages, estime que le problème tient essentiellement à une dégradation de l'imaginaire égalitaire.
Pour les auteurs du dossier du Monde diplomatique, le constat est plutôt celui d'un faillite des partis dits de « gauche », et plus précisément d'une trahison des formations sociaux-démocrates qui se sont ralliées aux thèses néo-libérales. Les réactions telles que celles qu'on connaît sous le nom d'Occupied Wall Street, des Indignés, des Gilets jaunes, etc., ont échoué, mais c'est en raison de leur nature propre, à savoir un rejet originel de toute structure et tout représentant, éléments indispensables pour s'établir dans le temps : Shlomo Sand fait d'ailleurs le même constat, regrettant qu'il n'ait « jamais été question d'une « mondialisation » de l'opposition ni de créer un mouvement international de solidarité ». Cela tient à une propension à la défiance à l'égard des formations politiques et syndicales structurées, alors que s'expriment des formes spontanées, souvent ponctuelles, d'engagement dans les luttes dont l'objet est clairement identifiable aux yeux de leurs participants. Il y a une nécessité de saisir les aspects concrets qui donnent tout de suite le sens de l'engagement, gage d'une préservation de la liberté individuelle.
La réflexion de Shlomo Sand repose à la fois sur une échelle mondiale et sur une large perspective historique, puisqu'il remonte au XVIe siècle. Cela lui permet de voir dans quelles circonstances apparaissent ce qui fondent les valeurs de la « gauche » : l'égalité, la liberté, l'émancipation, etc. Comme on l'a dit, il choisit de privilégier l'angle de vue de l'imaginaire égalitaire, selon lui « notion centrale si l'on veut déchiffrer l'apparition de la gauche dans l'histoire », et principe essentiel de toutes les luttes, y compris de celles qui visent à conquérir et renforcer les libertés, que ce soit en faveur des opprimés au travail, des esclaves, des colonisés, et finalement de tous les groupes sociaux opprimés d'une façon ou d'une autre. Ce faisant, on mesure mieux (si on n'en avait pas conscience) ce qui distingue ce courant idéologique multiforme des autres. En ces temps de confusion idéologique, d' « en même temps » qui regarde pourtant du même côté, ces précisions seront utiles à tous les lecteurs, déjà avertis ou non. Car, au fond, quels rapports entretient la « gauche » avec le libéralisme (néo ou pas), le nationalisme, etc. Shlomo Sand revisite l'histoire mondiale, principalement à partir du XVIIIe s., de façon à voir comment ces rapports évoluent, et donc la « gauche » en même temps. Être de gauche dans l'enceinte de l'Assemblée nationale le 28 août 1789 (jour où se produisit en France un regroupement des députés, à droite du président pour ceux qui étaient favorables, ou à sa gauche pour ceux qui étaient défavorables au droit de veto royal dans la constitution en débat, sans même parler des neutres), est-ce la même chose que défendre la République espagnole les armes à la main entre 1936 et 1939 (pour reprendre la photographie de la couverture) ? Qu'est-ce qui rassemble les Communards ou les bolcheviques des résistants au coup d'État chilien du 11 septembre 1973 ? Qu'y a-t-il de commun entre le combat féministe et l'écologie politique ?
L'affaiblissement de cet imaginaire égalitaire suppose-t-il un épuisement des revendications ou des objets de luttes ? Shlomo Sand ne cède pas au pessimisme et en recense quelques-uns : un renouveau de l'État-providence ; la diminution et le parage du travail, le revenu de base universel, la gratuité des études supérieures, etc. Mais il manque encore de « constituer un bloc historique incluant les classes sociales dont les intérêts nécessitent des réformes radicales. […] Lorsque les salariés « d'en haut » se rendront compte que leur avenir dépend des salariés « d'en bas », notamment des plus jeunes, et que ces derniers seront lassés du culte inutile rendu aux idoles populistes, des stratégies menant à une politique différente, réformiste ou révolutionnaire pourront émerger ».
Ah ! J'oubliais que le dossier du Monde diplomatique comportait dans sa version podcastée un sous-titre : « Pourquoi la gauche perd (et pourquoi nous restons optimistes) ».
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