Philippe Thirault (sc.), Roberto Zaghi (ill.), Le Vent des libertaires, T. 2, Les Humanoïdes associés, 18 mars 2020, 56 p., 14,50 €. EAN 9782731667981
Philippe Thirault (sc.), Roberto Zaghi (ill.), Le Vent des libertaires, T. 2, Les Humanoïdes associés, 18 mars 2020, 56 p., 14,50 €. EAN 9782731667981
Présentation de l’éditeur. « Ukraine, début du XXe siècle. Issu de la paysannerie très pauvre et adopté par une famille bourgeoise, le jeune Nestor Makhno ne trouve pas sa place dans un monde impitoyable, dominé par les riches. L’histoire romancée du plus grand des anarchistes ukrainiens qui, défiant à la fois les Bolcheviques et les Allemands, a traversé un demi-siècle de révoltes et de révolutions ».
Ce deuxième tome poursuit la transposition en fiction de l’implantation conflictuelle – et finalement ratée – de Carrefour en Corée. Cet opus montre comment les salariés peuvent se fédérer face au pouvoir des multinationales, et notamment à quel point cette organisation collective peut se révéler difficile quand on est face à un patron passé maître dans la technique de « diviser pour mieux régner ».
Le guide pratique Territoires Zero Waste s’adresse à tous les citoyens qui souhaitent réduire les déchets et le gaspillage des ressources à l’échelle locale et leur offre toutes les clés pour comprendre et agir en ce sens. En s’appuyant sur des retours d’expériences en France et à l’étranger, l’association Zero Waste France propose une vision complète et ambitieuse de la révolution à opérer pour mieux gérer nos déchets et analyse toutes les opportunités ou obstacles que peuvent rencontrer les différents acteurs des territoires au cours de leur démarche : responsabilités, coûts, emplois, etc.
Illustré de nombreux témoignages, l’ouvrage présente avec pédagogie les étapes et actions permettant d’inscrire un territoire dans une perspective zéro déchet. II constituera à ce titre une ressource précieuse pour les futurs candidats et candidates aux élections municipales, et pour tous ceux qui souhaitent s’impliquer à leurs côtés ».
A priori, Territoires Zero Waste1 n’engendre pas l’enthousiasme : quand on parle de « déchets », c'est qu'on est tout au bout de la chaîne de la consommation, ce qui n’évoque guère d’images très réjouissantes. Pourtant, au moment où la crise environnementale devient de plus en plus prégnante, il est urgent de lire ce genre d’ouvrage, et celui-là en particulier, car il interroge notre mode de vie dispendieux. Consommer, c’est utiliser un produit (sans oublier les services) bien précis, mais il y a lieu de considérer toutes les ressources qui ont été nécessaires pour qu’il existe (l’énergie grise, par exemple), qu’elles soient renouvelables ou pas, de se préoccuper de sa longévité et de sa réutilisation sous une forme ou une autre. Le mieux — et les auteurs y insistent — est de limiter sa consommation : la question préalable doit porter sur la pertinence de son geste, et se demander si l’objet sur lequel on s’apprête à jeter son dévolu sera réellement utile, améliorera notre bien-être, ne défavorisera pas d’autres êtres (au-delà des seuls hommes). Mais l’essentiel de l’ouvrage place le lecteur en aval de la chaîne, quand le produit est devenu un « déchet » — terme discutable, puisqu’il n’aide guère à considérer comme une ressource, réutilisable, que comme un rebut, inutilisable, alors que l’association Zero Waste s’évertue à insister sur le premier aspect, positif. Quand on dit « lecteur », il s’agit plus particulièrement du citoyen souhaitant réfléchir sur cette approche de son territoire, que l’éventuel candidat aux élections municipales de mars prochain, en quête de réponses à ses propres préoccupations — ou celles de ses concitoyens.
Le livre s’organise en effet en trois parties. La première prend neuf cas pratiques, « neuf chantiers pour engager son territoire sur la voie du Zero Waste ». On a ainsi une réflexion sur les biodéchets (et leur reconversion), sur le tri à la source, les initiatives entrant dans le cadre de l’économie dite circulaire, etc. On a également un « agir via la commande publique de fournitures, services et travaux », que les actuels et futurs élus seraient bien inspirés de lire très attentivement…
La deuxième partie est un cahier central sur « la gestion des déchets au niveau local ». En résumé, ces pages aident à comprendre tout le cycle de traitement des déchets : comment organiser leur gestion (collecte, etc.), leur traitement, mais aussi leur coût.
Enfin, la dernière partie est un point méthodologique : « comment transformer le Zero Waste en projet politique ». Autrement dit, comment changer l’image négative attaché au déchet et en faire un objet attractif d’un point de vue électoral, tant du côté des citoyens que des candidats (qui sont eux-mêmes des citoyens). Cela passe non seulement par une sensibilisation à l’impact environnemental — qui entre plutôt dans un cadre d’éducation à long terme, non compatible avec un objectif politique à court terme — mais aussi aux effets sociaux, notamment en ce qui concerne les emplois.
Territoires Zero Waste répond au projet éditorial du départ, à savoir être un guide pratique, qui doit susciter des questions mais aussi aider à l’action. En cela, il doit intéresser l’ensemble des citoyens. Bien entendu, on ne peut prétendre faire un point exhaustif, et encore moins s’arrêter au seul horizon chronologique des prochaines élections municipales. On se reportera volontiers au site Internet de l’association Zero Waste France ou solliciter directement l’un de ses relais locaux.
Note
Alessandro Pignocchi, Petit Traité d’écologie sauvage. Mythopoïèse, éd. Steinkis, 16 janvier 2020, 128 p., 16 €. ISBN 9782368463291
Présentation de l’éditeur. « Grâce à une troupe de mésanges punks (qui ont renversé les États), la pensée animiste s’installe progressivement sur l’ensemble de la planète : les plantes et les animaux sont désormais considérés comme des personnes et les chefs n’ont plus de pouvoir.
Le cœur brisé de voir la culture occidentale s’éteindre, un anthropologue jivaro tente vaillamment de sauvegarder les enclaves où se sont réfugiés nos ex-dirigeants politiques. Le monde inversé qui se dessine ainsi nous aide à envisager l’avenir avec optimisme et enthousiasme.
« L’ouvrage que je recommande pour apprendre à pister les belettes ! »
Donald Trump ».
Dans ce nouvel album, Bruno Loth retrace les principaux événements qui ont marqué la vie des deux anarchistes Buenaventura Durruti et Nestor Makhno qui ont en commun d’avoir réussi à mettre en pratique l’anarchie sur tout un territoire (Catalogne – Ukraine).
En 1927, après une tentative de coup d’État contre le roi d’Espagne Alphonse XIII, Durutti est emprisonné en France. Finalement libéré, il échappera à l’extradition vers l’Argentine, mais aura 10 jours pour quitter la France. C’est à Paris, dans la clandestinité, que Durrutti rencontre Nestor Makhno, figure de l’anarchisme ukrainien, communiste libertaire et fondateur de l’armée révolutionnaire insurrectionnelle Makhnovchtchina.
Cette rencontre sera pour eux l’occasion de confronter leurs expériences et leurs idéaux… ».
Le récit place donc deux des personnages importants de l’anarchisme du XXe siècle, l’Espagnol Buenaventura Durruri et l’Ukrainien Nestor Ivanovitch Mikhnienko, dit Nestor Makhno. S’ils ne se sont pas forcément rencontrés le 15 juillet 1927 à Vincennes, c’est faute de quelques jours. Sylvain Bouloque, qui a rédigé une notice biographique sur Nestor Makhno dans le Maitron indique en effet ceci : « Entre-temps, Makhno avait participé, le 21 juillet 1927, au banquet offert par le Comité international de défense anarchiste pour fêter la libération d’Ascaso, Durruti et Jover, retenus jusque là par les autorités françaises. Suite à cela, les trois révolutionnaires espagnols s’entretinrent avec Makhno, chez lui à Vincennes, pendant plusieurs heures, et discutèrent des enseignements de la révolution en Russie et de l’avenir de la révolution en Espagne. Makhno y affirma sa confiance dans le prolétariat ibérique : « En Espagne, leur dit-il, vous avez un sens de l’organisation qui nous faisait défaut en Russie, or c’est l’organisation qui assure le triomphe en profondeur de toute révolution ». La date importe peu, en réalité : le principe d’une rencontre entre les deux révolutionnaires est acquis. Bruno Loth s’en est saisi fort à propos pour livrer deux visions, non antagonistes, de l’anarchisme en actes, en laissant la parole aux parties en présence. L’un et l’autre rappellent leur parcours. Le hasard de leur exil les fait finalement se rencontrer à Paris. Provisoirement pour Durruti puisqu’il sera expulsé vers la Belgique le 23 juillet 1927, et définitivement pour Makhno, puisqu’il meurt dans la capitale en 1934, malade et épuisé.
Plusieurs autres personnages importants de l’anarchisme français assistent à la discussion, dont Sébastien Faure et Louis Lecoin, qui ont mené avec l’Union anarchiste une lutte pour faire tomber l’arrêté d’expulsion menaçant Durruti et ses compagnons et obtenir leur libération de la prison de la Santé.
L’album n’est pas agiographique : la geste de Durruti et de Makhno n’est pas exaltée. Bruno Loth insiste au contraire sur la répression extrêmement dure qui touche le mouvement anarchiste, certaines des idées qu’il porte, mais aussi ses faiblesses. Il sera une source précieuse pour qui ne connaît à cette idéologie. On attend avec impatience le second volet de Viva l’anarchie !, qui fera le récit de la makhnovtchina.
Le présent ouvrage s’inscrit donc dans une discipline, la géographie
radicale, qui spatialise la question des rapports de forces produits par
le capitalisme.
L’auteur met au jour les logiques capitalistes à l’œuvre dans les
phénomènes spatiaux qui constituent les objets d’étude de la géographie,
à savoir la mondialisation, les inégalités de développement économique,
mais aussi l’aménagement du territoire, les replis identitaires, les
mouvements migratoires et les questions écologiques.
Il est nécessaire pour quiconque s’intéresse au fonctionnement du capitalisme de se réapproprier la géographie comme outil permettant d’envisager une sortie démocratique des impasses produites par ce système. Une géographie populaire ou, mieux, une géographie de combat qui permet d’articuler la lutte à l’échelle locale aux dynamiques globales ».
Selon
la page de La Découverte« , Renaud Duterme enseigne la géographie dans
un lycée en Belgique et collabore régulièrement au CADTM (Comité pour
l’abolition des dettes illégitimes). Il est l’auteur de plusieurs
ouvrages, dont De quoi l’effondrement est-il le nom ? (Utopia, 2016) et (avec Éric De Ruest) La Dette cachée de l’économie (Les Liens qui libèrent, 2014) ». Autant dire que son Petit manuel pour une géographie de combat
est donc un ouvrage partisan ? Oui, et l’auteur l’assume parfaitement.
Son but est d’aider à mieux comment fonctionne le capitalisme
contemporain.Or, si la géographie s’est emparée de la notion de
mondialisation depuis longtemps (y compris dans le champ scolaire avec
les programmes de lycée), une main pourrait peut-être suffire à compter
le nombre de chercheurs qui ont cherché à utiliser cette science pour
expliquer le capitalisme d’un point de vue spatial. Or, une grande
partie du vocabulaire utilisé par les géographes peut justement servir
cette fin : l’opposition entre centre et périphérie, les flux, les
nœuds, les interfaces, les villes-monde, etc. On sait que les
territoires attractifs ne le sont, d’un point de vue économique, qu’en
raison de la valeur qui découle des perspectives de profit, que, a contrario,
ceux qui sont délaissés (les « déserts ») doivent leur infortune à leur
manque d’intérêt, et que ce même intérêt et donc l’attractivité (ou le
caractère répulsif) peut fluctuer dans le temps. La concurrence qui
s’exerce entre les États (et les groupes multinationaux) tend ainsi à
renforcer la compétition entre les territoires et donc à approfondir les
inégalités, quelle que soit l’échelle d’observation. On reconnaît ainsi
des espaces pleinement insérés dans la mondialisation, bien pourvus en
moyens de transport et de communication rapides, qui se différencient
chaque jour davantage d’espaces marginalisés. C’est l’Union européenne
face l’Afrique ; ce sont les mégalopoles mondiales et les régions
enclavées ; ce sont les métropoles régionales (Lille, Lyon, Toulouse,
etc.) et la mythique « diagonale du vide », etc. Le résultat observable
est à chaque fois le même : malgré les nuances, on a une concentration
des moyens, des richesses, des lieux de pouvoir (effectifs ou
symboliques), de la population la mieux formée, etc. dans certains
espaces, dont l’emprise sur les espaces dominés et dépendants, voués à
l’exploitation, tend à se développer notamment d’un point de vue spatial
ou du point de vue de l’accaparement et du pillage des ressources
naturelles. Il en existe bien des traductions, ne serait-ce que le vote
pour des programmes de repli, xénophobes, volontiers sécuritaires censés
apporter une protection.
Ces phénomènes s’appuient sur les politiques des autorités publiques, qui contribuent à diriger le flux des investissements vers les zones déjà bien pourvues, au nom d’un inévitable « choc de compétitivité ». En cela, les États se font les alliés objectifs et nécessaire du néolibéralisme (voir Pierre Dardot et Christian Laval, Dominer. Enquête sur la souveraineté de l’État occidental, La Découverte, août 2020), malgré les systèmes de redistribution destinés à fournir une apparence aux formules telles que l’« égalité des chances ».
Alors que la géographie désormais classique observe et apporte des
éléments d’explication, Renaud Duterme estime qu’on peut aller plus
loin, et qu’il y a lieu de l’utiliser comme une arme pour lutter contre
les effets dévastateurs du capitalisme. Il lui semble en effet difficile
de lutter contre le réchauffement climatique sans aborder résolument la
question du libre-échange. Comment prétendre un instant protéger le
développement d’une agriculture respectueuse de l’environnement tout en
signant des traités internationaux comme l’accord récent entre l’Union
européenne et le Mercosur ? Selon l’auteur, la lutte des lieux rejoint
la lutte des classes : la compétition entre les territoires n’est que le
pendant spatial de l’opposition entre une minorité de dominants et une
majorité de dominés. Selon cette vision marxisante, il faut aider à la
conjonction des revendications, les enjeux présentant beaucoup de points
communs. Encore faut-il éveiller les consciences, ce à quoi la
géographie doit aider, à la condition qu’elle soit réellement mise à la
portée de tous, qu’elle soit une géographie populaire, pour reprendre le
titre de l’ouvrage de Gérard Noiriel [1].
Cela passe également par une réappropriation (ou une appropriation) des
outils politiques, comme le revendiquaient les Gilets jaunes, et comme
l’expérimentent les communautés autonomes qui s’installent dans les ZAD
(voir le compte rendu du livre de Sylvaine Bulle, Irréductibles. Enquête sur des milieux de vie. De Bure à Notre-Dame-des-Landes,
UGA Éditions, collection « Écotopiques », janvier 2020, 370 p., 25 €.
Mais aussi celui de l’ouvrage de Tiitu Takalo (sc., ill., coul.), Kirsi
Kinnunen (trad. fr.), Moi, Mikko et Annikki, Rue de l’Échiquier, 16 janv. 2020, 248 p., 21,90 €.). Il n’y a donc pas que la sociologie qui soit un sport de combat [2] : la géographie et son enseignement également… En cela, Renaud Duterme rejoint ses précurseurs que sont Élisée Reclus et Pierre Kropotkine (voir le compte rendu de lecture sur ce même site).
Disponible à un pris assez modique, ce Petit manuel pour une géographie de combat a été publié sous un format assez court qui en permet une lecture assez rapide, d’autant que le langage utilisé est très accessible aux néophytes. Illustré par des cartes et bien servi par une approche pédagogique appropriée, il se révèle très stimulant quel que soit le public. Les enseignants, en particulier, disposent d’une analyse très synthétique qu’ils pourront transposer dans leurs propres cours : l’éducation — voire l’édification — du citoyen, dont on nous rebat les oreilles tout en requérant une stricte neutralité — parfaitement chimérique, comme si les passions pouvaient se laisser au vestiaire, et comme si un cours n’avait pas de visée démonstrative — exige aussi ce genre de discours qui décile les yeux. Au professeur de réfléchir aux moyens de mettre en place une réflexion contradictoire et d’amener les élèves à… réfléchir.
[1] Gérard Noiriel, Une Histoire populaire de la France. De la guerre de Cent Ans à nos jours, Agone, 19 sept. 2018, 832 pages, 28.00 €. Voir le compte rendu de lecture sur ce même site.
[2] Pour reprendre le titre du film que Pierre Carles consacre à Pierre Bourdieu, La sociologie est un sport de combat, CP Productions et VF Films, 2008.
Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...