Fanny
Madelin, Daniel Casenave ; Étienne Anheim, Valérie Theis, Sophie
Guerrive, Histoire dessinée de la France. Tome 7, « Croisades et
cathédrales. D’Aliénor à saint Louis » ; tome 8, « À la vie, à la mort.
Des rois maudits à la guerre de Cent Ans », co-éd. La Revue dessinée-La
Découverte, 31 octobre 2019, 168 p., 22 €
Présentation de l’éditeur. Tome 7. « Et si on partait en pèlerinage ? Deux passionnés des croisades – et de Game of Thrones – se retrouvent à prendre la route pour revivre l’expérience des pèlerins des XIIe et XIIIe
siècles. Au cours de leur voyage initiatique, non pas à la recherche du
Graal mais sur les traces des croisés, ils traversent les siècles et
multiplient les rencontres insolites. Moine voleur de reliques,
marchands, laboureurs, chevaliers, inquisiteurs et hérétiques : tous
témoignent des conditions de vie et des croyances de leur temps. De
Londres à Toulouse, en passant par la Champagne, Vézelay, Tunis et
Palerme, nos deux pèlerins se jouent de la chronologie pour mieux
plonger au cœur de cette période charnière du Moyen Âge où peu à peu
prend forme le royaume de France.
Présentation de l’éditeur. Tome 8. « Famines, guerres, épidémies : la Mort s’est bien amusée entre le XIIIe et le XVe
siècle ! C’est donc à elle que les auteurs de ce volume ont confié le
récit de cette époque sanglante. Déambulant à travers Saint-Denis, où
sont enterrés Philippe le Bel et Bertrand du Guesclin, la Grande
Faucheuse raconte avec délectation comment elle ramassa par millions les
cadavres laissés par la peste noire et la guerre de Cent Ans. Amatrice
de décès en tous genres, elle n’oublie évidemment ni le supplice
crépitant de Jeanne d’Arc à Rouen ni les batailles intestines qui
déchirèrent les familles royales. Sans se départir de son humour
tranchant, notre guide raconte finalement comment une première idée de
nation émergea en France de ces féroces affrontements ».
L’heureuse
entreprise de La Revue dessinée et de La Découverte se poursuit. Avant
trois nouvelles livraisons prévues cette année (« Les Carolingiens »,
tome 5 ; « La Renaissance », tome 9 ; « Les guerres de religion », tome
10) et en attendant le tome 6 consacré aux temps féodaux (dont la date
de sortie n’est pas encore annoncée), nous sont offerts deux volumes sur
le Moyen Âge. On sera alors presque à la moitié de la collection, qui
doit en compter vingt.
Le premier est
consacré aux croisades, et le second aux trois fléaux qu’ont eu à subir
les populations européennes. On rappellera le principe général : chaque
thème est confié à des historiens spécialistes de la période et du thème
retenu, et à des illustrateurs. On a ainsi deux grandes parties : la
première (qui occupe environ les deux-tiers du volume) est une bande
dessinée (toujours co-écrite par les deux auteurs) et une partie plus
scientifique. Le tout repose sur les dernières avancées
historiographiques, ce qui permet d’avoir à chaque fois un ouvrage de
vulgarisation très sérieux, ce qui n’exclut pas l’humour. De telle sorte
qu’un très large public peut y trouver son compte, des élèves du
primaire (accompagnés, car de nombreuses questions sont à prévoir) aux
adultes soucieux de parfaire leurs connaissances.
Le volume sur les
croisades met en valeur deux personnages contemporains : un
« passionné » d’histoire et une scénariste. Ils plongent littéralement
dans le Moyen Âge, ce qui leur permet de rencontrer les protagonistes de
la période et de s’imprégner de son atmosphère. Le récit ne prend pas
tout de suite pour cadre les seules croisades. Le duo arrive en effet
à Reims en 1223, au moment du sacre de Louis VIII. C’est l’occasion de
découvrir la cathédrale, dont on s’étonne (même si elle est inachevée,
comme elle le demeurera comme tant d’autres) de l’absence de peintures
tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. On parcourt le monde urbain et le
monde rural, ce qui permet d’évoquer assez rapidement ce qui les
caractérise : le poids des redevances, celui de l’Église, mais aussi
l’antisémitisme, etc. Un retour en arrière dans le temps, et on se
retrouve à Vézelay en 1146, au moment où Bernard de Clairvaux prêche la
croisade ; on rencontre également Guillaume le Maréchal, dont l’ouvrage
de Georges Duby avait permis de reconnaître en lui un modèle de
chevalier. On arrive alors à Aigues-Mortes, pour embarquer sur un navire
génois à destination de Tunis, avant de faire cap sur la Sicile, en
1282, au moment des vêpres siciliennes. De retour sur le continent, à
Marseille, le duo rejoint la route de Saint-Jacques-de-Compostelle par
la via Tolosa. Chemin faisant, on découvre la croisade albigeoise, les
Cathares et évidemment l’Inquisition, et l’héritage de la science
musulmane. Ceci n’est qu’un résumé très approximatif, tant les auteurs
ont désiré aborder beaucoup de thèmes médiévaux. Le résultat n’est pas
très simple à suivre pour un historien : on s’attend à un fil
chronologique, mais c’est en réalité un parcours géographique qui se
déroule et permet d’évoquer tel ou tel aspect des choses, à la façon
d’un touriste ; c’est finalement ce que sont les deux principaux
personnages. Il n’est pas certain que de jeunes lecteurs puissent s’y
retrouver : un avertissement sera de mise. La partie scientifique offre
une meilleure cohérence du propos au travers de thèmes tels que
l’engouement pour le Moyen Âge (le « médiévalisme »), tant dans les
films que les jeux vidéo, les croisades, l’invention de la chrétienté,
la société rurale, le monde urbain, etc.
Le volume sur la mort propose une lecture de la bande dessinée beaucoup plus facile. Le thème offre
un regard sur les épisodes qui se soldent bien évidemment sur une forte
mortalité. C’est aussi un biais assez original pour entrer dans les
rapports sociaux et la violence qu’ils entraînent parfois. On passe
ainsi du travail salarié aux crises alimentaires, des guerres (y compris
les croisades que l’on retrouve donc) aux épidémies. En route, on
découvre certaines conséquences de cette mortalité importante, dans le
domaine politique par exemple, avec les perturbations occasionnées dans
les successions dynastiques monarchiques (sans oublier la papauté), mais
aussi le ralentissement sinon l’arrêt des activités économiques. Les
auteurs évoquent aussi la recherche de coupables avec un fort
développement de l’antisémitisme, les processions et rites expiatoires.
Le XVe siècle marque une accalmie : la mortalité recule. Le
volume sort des sentiers classiques et séduit par le choix du thème de
la mort, dont on comprend ce qu’elle implique, tant lors des pics que de
son reflux. La partie scientifique aborde des thèmes tels que les trois
fléaux, le long conflit entre la couronne française et anglaise, la
papauté, la culture (savante) médiévale, et une galerie de portraits
assez originale puisqu’elle s’appuie sur des monarques ou François
Villon, mais aussi la Mort.
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