24/12/2019

Gérard Noiriel, Le Venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République

Gérard Noiriel, Le Venin dans la plume. Édouard Drumont, Éric Zemmour et la part sombre de la République, La Découverte, coll. « L'envers des faits », 12 sept. 2019, 252 p., 19 €. ISBN : 9782348045721
 

Présentation de l’éditeur. « La place qu’occupe Éric Zemmour dans le champ médiatique et dans l’espace public français suscite l’inquiétude et la consternation de bon nombre de citoyens. Comment un pamphlétaire qui alimente constamment des polémiques par ses propos racistes, sexistes, homophobes, condamné à plusieurs reprises par la justice, a-t-il pu acquérir une telle audience ?
Pour comprendre ce phénomène, ce livre replace le cas Zemmour dans une perspective historique qui prend comme point de départ les années 1880, période où se mettent en place les institutions démocratiques qui nous gouvernent encore aujourd’hui. Ce faisant, il met en regard le parcours d’Éric Zemmour et celui d’Édouard Drumont, le chef de file du camp antisémite à la fin du XIXe siècle. Car les deux hommes ont chacun à leur époque su exploiter un contexte favorable à leur combat idéologique. Issus des milieux populaires et avides de revanche sociale, tous deux ont acquis leur notoriété pendant des périodes de crise économique et sociale, marquées par un fort désenchantement à l’égard du système parlementaire.
Dans ce saisissant portrait croisé, Gérard Noiriel analyse les trajectoires et les écrits de ces deux polémistes, en s’intéressant aux cibles qu’ils privilégient (étrangers, femmes, intellectuels de gauche, etc.) et en insistant sur les formes différentes que ces discours ont prises au cours du temps (car la législation interdit aujourd’hui de proférer des insultes aussi violentes que celles de Drumont). L’historien met ainsi en lumière une matrice du discours réactionnaire, et propose quelques pistes pour alimenter la réflexion de ceux qui cherchent aujourd’hui à combattre efficacement cette démagogie populiste ».

 

22/11/2019

Cédric Taling, Thoreau et moi

Cédric Taling, Thoreau et moi, Rue de l'Échiquier, coll. « BD », 11 avril 2019, 128 p., 17,90 euro. EAN : 9782374251523


Présentation de l’éditeur. « Élégant et subtil, Thoreau et moi est une brillante quête intérieure née de nos angoisses environnementales, très librement inspirée du maître-livre de Henry David Thoreau, Walden.

 

Nourri de lectures sur les risques écologiques et l’urgence d’une descente énergétique radicale, Cédric, artiste peintre quadragénaire parisien, est traversé par de profondes angoisses existentielles. Cette sensibilité particulière le met mystérieusement en contact avec l’esprit de Henry David Thoreau (1817-1862), figure fondatrice de la philosophie décroissante. Celui-ci apparaît régulièrement à Cédric, tel un Jiminy Cricket d’aujourd’hui, empruntant au fil de leurs rencontres diverses formes animales et végétales plus ou moins abouties – une sorte d’incarnation animiste de leur empathie commune pour la nature. Ils poursuivent ainsi une conversation philosophique intermittente qui leur permet de constater qu’à deux siècles d’écart, les problématiques issues de l’exacerbation du capitalisme et du consumérisme demeurent inchangées. Malgré les avancées scientifiques et technologiques, les humains persistent à succomber aux mêmes folies plutôt que de rechercher les plaisirs simples.

Temporairement séduit par les thèses des collapsologues puis des survivalistes, Cédric finit par trouver un terrain à la campagne, près d’un lac, pour y construire une maison hobbit autosuffisante.

Très librement inspirée de Walden, ou la vie dans les bois, le chef-d’œuvre de Henry David Thoreau, cette bande dessinée retrace la prise de conscience écologique d’un homme d’aujourd’hui et pose la question universelle du changement de vie : face aux impasses de notre modèle social, comment mener une existence qui a du sens ? ».

 

Étienne Davodeau, Joub, Christophe Hermenier, Les Couloirs aériens

Étienne Davodeau (sc. et ill.), Joub (sc. et coul.), Christophe Hermenier (sc. et photo.), Les Couloirs aériens, Futuropolis, 23 oct. 2019, 112 p., 19 €


Présentation de l’éditeur. « Cette année, Yvan a eu 50 ans. Plus jeune, il s’est souvent demandé ce qu’il serait à cet âge-là. Eh bien voilà, il y est.
Cette année, il a perdu son boulot, sa mère, son père. Sa femme, Florence, bosse beaucoup, prend souvent l’avion et vit dans les décalages horaires. « Il y a de la distance et de l’attachement », dit Yvan. Et les enfants ont quitté le nid, normal. Alors, forcément, Yvan est un peu paumé.
Il a quitté l’appartement parisien, et s’est réfugié dans le Jura, chez ses amis Thierry et Sandra. Avec ses fringues, ses bouquins, et autres objets divers. Toute une vie, ou presque, dans quelques cartons.
Dans la neige, sous le ciel froid et bleu, Yvan marche, respire, semble revivre ».

 

 

 

Arnaud Floc'h, Emmett Till. Derniers jours d’une courte vie, et Mojo Hand

Arnaud Floc'h, Emmett Till. Derniers jours d’une courte vie, et Mojo Hand, éd. Sarbacane (co-éd. Amnesty International pour le premier titre), 21 août 2019, 88 p. et 112 p. 19,50 €. EAN: 9782377312955 et 9782377312023

Présentation de l’éditeur. Emmett Till. Derniers jours d’une courte vie. « Un livre salutaire et nécessaire. Pour ne jamais oublier. En partenariat avec l’association Amnesty International.

De nos jours, un homme blanc, jeune journaliste, questionne un vieux musicien noir. En fait il s’intéresse assez peu au blues : il voudrait savoir quels ont été – 60 ans plus tôt – les liens du musicien (alors âgé de treize ans), avec Emmett Till. Et le bluesman, non sans émotion, accepte de parler, et de remonter le temps…

Quand Emmett Till, jeune adolescent noir de quatorze ans venu de Chicago passer ses vacances chez Moïse son grand-oncle, descend le 24 août 1955 du train en gare de Money dans le Mississippi, il ne sait pas encore qu’il va vivre les cinq derniers jours de sa courte vie.
Il aura eu la malchance de pénétrer dans une épicerie réservée aux Blancs et de se comporter de « manière provocante » vis-à-vis de Carolyn, épouse de l’épicier, Roy Bryant.

Mis au courant de « l’affront », Roy, accompagné de son demi-frère Milan, part dans une chasse à l’homme qui finira tragiquement. Après avoir kidnappé Emmett, ils le tortureront avant de le jeter dans l’eau de la rivière. Ils seront plus tard acquittés et se vanteront de leur « exploit » dans la presse ».

 

Présentation de l’éditeur. Mojo Hand. « La face sombre de l’Amérique. Louisiane, 1926, comté de St James. Quand Wilson Dardonne ramène à la maison un bébé blanc abandonné dans le bayou, il ne sait pas encore que celui-ci va devenir le frère de cœur de Cletus, son unique fils, aveugle et petit génie du blues en devenir.

Mais quelle idée de recueillir un enfant blanc dans un Sud follement ségrégationniste quand on est soi-même descendant d’esclave ?

C’est ce que ne cesse de lui répéter sa femme, Delilah : « Et tu crois qu’il va s’passer quoi si on trouve c’petit cul blanc chez des nègres, hein ? »… ».

 

 

Hyacinthus, Les Cosmogoniales. Un chant de Silène, Rue de l'Échiquier, 5 sept. 2019, 192 p., 24,90 euros. ISBN : 978-2-37425-153-0


 Présentation de l’éditeur. « Avec ce premier album d’une puissance graphique exceptionnelle, Hyacinthus signe une histoire hors du commun : l’aventure de la création de l’univers, nourrie d’un choix de textes antiques grecs et latins ».

 

Un premier album, indique l’annonce de l’éditeur ? Avec un tel niveau de maîtrise et créativité graphique, on en doute fortement ; est-ce d'ailleurs une « bande dessinée » ?… Et pourtant, c’est bien le cas, même si l’appellation « bande dessinée » n’est pas l’expression qu’on utiliserait spontanément pour qualité ce travail. Hyacinthus a une formation d’artiste graveur et de dessinateur, notamment aux Arts décoratifs, et cela se voit dans chacune des illustrations. On y retrouve tout ce qui fait le charme d’un Gustave Doré et de tous ceux qui ont participé aux ouvrages de Jules, pour ne prendre que ces deux exemples : un travail extrêmement soigné, minutieux, à l’encre noire1 . La couverture n’est pas forcément le meilleur exemple qui nous soit donné (la lecture achevée, on devient difficile…). Il faut ajouter à l’aspect graphique la qualité de la typographie, tout en ligatures pour les caractères latins (en garamond), qui ne fait pas l’impasse sur le grec ancien. Pour ce dernier, on a droit à une typographie adaptée de poinçons originaux conservés au musée Plantin-Moretus à Anvers2 . Cela montre assez le souci de la bonne ouvrage qui anime Hyacinthus3 .

Tout cela ne serait rien s’il ne servait un propos intéressant. Là encore, c’est le cas. Hyacinthus nous fait assister à la création de l’univers : rien que cela… Il s’appuie sur des extraits d’œuvres d’auteurs antiques (Lucrèce, Ovide, Sophole, Virgile…), traduits, qu’il met en regard de ce que nous savons aujourd’hui de la formation de notre monde : « comment la Terre, le Soleil et la Lune, l’éther commun, le lait du ciel étoilé, l’Olympe le plus reculé et les astres brûlants  ont commencé à se former », pour reprendre la formule de Parménide d’Élée4 placée en quatrième de couverture. Il serait bien difficile de restituer davantage le propos : Les Cosmogoniales se regarde, se lit, mais il est surtout conçu comme un véhicule destiné à embarquer le lecteur dans un rêve éveillé.

Le résultat est à la mesure des éloges qui viennent d’être fait. Hyacinthus nous offre ainsi non seulement un bel objet qu’on a plaisir à compulser, mais une œuvre très poétique ne serait-ce que par le choix des extraits qu’il a retenus. On a hâte de le retrouver pour un deuxième album, car on est ici aux prémisses d’un travail remarquable et original qui met cet auteur à la hauteur d’un Marc-Antoine Mathieu.


Notes

  • 1.Rue de l’Échiquier propose d’ailleurs une très belle sérigraphie sur un papier bleu de Chine.
  • 2.Il s’agit bien évidemment des descendants de l’imprimeur Christophe Plantin, français installé à Anvers dans les années 1540.
  • 3.Il ne manquerait plus d’apprendre que la composition du texte a été réalisée avec LaTeX…
  • 4.Parménide d’ÉléeDe la Nature, XI.

20/10/2019

Christian Proust, Guide pratique pour oser s’impliquer dans la vie politique locale. La démocratie vous appartient !

Christian Proust, Guide pratique pour oser s’impliquer dans la vie politique locale. La démocratie vous appartient !, Rue de l'Échiquier, 7 mars 2019, 240 p., 19 euros. ISBN : 978 237 425 1547

 

Présentation de l’éditeur. « Et si les élections municipales de 2020 étaient l’occasion pour les citoyens de s’engager et de se présenter ?

« La politique, ce n’est pas pour moi, c’est trop compliqué, et ça ne sert à rien ! ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette phrase ? De plus en plus rétifs aux appareils politiques, trop sclérosés et conformistes, les Français n’en demeurent pas moins passionnés par la chose publique, et restent très attachés à des idées comme la transparence, la démocratie participative et le non-cumul. Mais trop souvent, il leur manque les clés pour se lancer eux-mêmes et faire la politique.
Ce guide pratique relève un défi : lutter contre la lassitude des citoyens et leur donner envie de se présenter à des élections locales pour passer à l’action. Il aide à décrypter, par des explications simples et concrètes, le jargon d’un conseil municipal ou de l’administration, à décoder le fonctionnement de la vie politique locale et le « qui fait quoi » et à connaître les démarches nécessaires (et les obstacles).
Dans la deuxième partie, l’auteur met en lumière cinq initiatives communales innovantes et efficaces qui redonnent une crédibilité à l’action politique locale.

Cette nouvelle édition a été mise à jour et enrichie par Christian Proust dans la perspective des élections municipales de 2020 ».

 

L’an dernier, un compte rendu avait été fait de la première édition de l’ouvrage de Christian Proust. On en avait souligné l’intérêt et la qualité des informations délivrées, qui doivent beaucoup au parcours professionnel de leur auteur. Christian Proust a en effet longtemps travaillé au sein de la fonction publique territoriale, notamment dans des mairies. Il s’est aussi présenté à des élections municipales. L’autre intérêt de son livre est d’être écrit de façon claire : Christian Proust donne ainsi les clés de compréhension nécessaires pour comprendre un budget municipal. Son souci de vulgariser ce qui peut paraître rébarbatif le met ainsi à la portée du plus grand nombre. Des sources complémentaires permettront d’aller plus loin (sous forme de cartes, de graphiques, etc.), et on peut ainsi éplucher les finances de sa propre commune. Un oubli, toutefois : le site de l’administration fiscale  propose des données remontant à l’année 2000. Et d’une façon générale, on se reportera au site du ministère de l’économie pour avoir une vue d’ensemble des principales sources sur le sujet.

Si les qualités de la première édition se retrouvent dans la seconde, on reste un peu sur sa faim. En effet, l’actualisation reste partielle. Il y a bien quelques passages rectifiés, mais on peut regretter d’avoir des données. Au hasard, prenons les pages 80 et 81. Y est présenté un tableau synthétiques du nombre des communes rassemblées par classes de population ; mais la base est assez ancienne puisqu’elle remonte à 2013. Les témoignages sur des situations locales présentées en fin de volume (p. 162 à 217) restent fort intéressantes. Mais elles sont les mêmes que dans la première édition, et, d’autre part, il aurait été judicieux de retourner vers les interlocuteurs pour connaître leur évolution. Pour la commune de Saillans, dans la Drôme (p. 165 et suiv.), l’entretien avec l’un des conseillers municipaux, élu sur la liste participative qui l’avait emportée en mars 2014, remonte à septembre 2016. Nous n’avons donc un témoignage qui ne permet de mesurer que les deux premières années de fonctionnement de l’expérience saillansonne. Or, on peut savoir, si on se documente par ailleurs, qu’un phénomène de lassitude a suivi l’enthousiasme du départ : les commissions auxquelles pouvaient participer les citoyens non élus ont vu leurs effectifs baisser progressivement, ce qui a limité l’effet participatif. Quelles réponses a-t-on imaginées ? Ont-elles été concluantes ?

Bref, ce guide reste tout à fait pertinent aujourd’hui : on ne soulignera pas assez. Pour reprendre le sous-titre tout à fait pertinent, il est vrai que « la démocratie nous appartient ». En soulignant les limites (et les absurdités, si on prend l’exemple du bureau municipal, dont l’activité échappe complètement au regard des citoyens et du reste des conseillers) du système représentatif, il permettra de lever bien des inhibitions qui pourraient contraindre les uns et les autres à ne pas s’engager autrement que par un bulletin électoral, c’est-à-dire une fois tous les six ans, en étant dépourvu de tout moyen de pression sur les élus. Il existe d’ailleurs des possibilités de contrôler leur activité, et on regrette encore une fois que l’ouvrage ne les aborde que fort peu.

Cependant, on aurait pu s’attendre à une réédition réelle, c’est-à-dire bien plus actualisée et qui auraient au moins tenue compte des faiblesses de la première livraison. Il reste à souhaiter que ce guide continue à avoir un certain succès (ce que montre le fait d’avoir eu droit à une nouvelle édition, un an après la première), mais surtout qu’il bénéficie d’une troisième sortie avec une documentation et un propos bien plus au fait.

04/10/2019

Émile Bravo, Spirou. T. 3, « L’espoir malgré tout » (deuxième partie)

Émile Bravo, Spirou. T. 3, « L’espoir malgré tout » (deuxième partie), éd. Dupuis, coll. « Tous Publics », 4 oct. 2019, 92 p., 16,50 €

 

Présentation de l’éditeur. « Automne 1940. Spirou arrive à convaincre Fantasio de ne pas prendre le train pour partir travailler en Allemagne. Mais les temps sont durs et Spirou est menacé d’expulsion par le prêtre qui lui loue une chambrette. C’est alors qu’il a une brillante idée : avec Fantasio, il va monter un théâtre de marionnettes itinérant pour donner un peu de joie aux enfants qui n’ont rien d’autre à faire que de subir (ou jouer à) la guerre. Félix et Felka, le couple de peintres juifs allemands exilés à Bruxelles, les aident à réaliser les décors, et Fantasio, esprit débordant de créativité, écrit des contes pleins de violence et de gueuletons. Le spectacle plaît beaucoup à M. Henri, un mécène, qui les engage pour qu’ils aillent jouer un peu partout en Belgique. Et c’est ainsi que Spirou et Fantasio partent à vélo sillonner le pays avec leur théâtre itinérant. Mais Fantasio va tomber amoureux, et son comportement et ses secrets vont commencer à attirer de graves ennuis à Spirou… ».

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...