20/10/2019

Christian Proust, Guide pratique pour oser s’impliquer dans la vie politique locale. La démocratie vous appartient !

Christian Proust, Guide pratique pour oser s’impliquer dans la vie politique locale. La démocratie vous appartient !, Rue de l'Échiquier, 7 mars 2019, 240 p., 19 euros. ISBN : 978 237 425 1547

 

Présentation de l’éditeur. « Et si les élections municipales de 2020 étaient l’occasion pour les citoyens de s’engager et de se présenter ?

« La politique, ce n’est pas pour moi, c’est trop compliqué, et ça ne sert à rien ! ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette phrase ? De plus en plus rétifs aux appareils politiques, trop sclérosés et conformistes, les Français n’en demeurent pas moins passionnés par la chose publique, et restent très attachés à des idées comme la transparence, la démocratie participative et le non-cumul. Mais trop souvent, il leur manque les clés pour se lancer eux-mêmes et faire la politique.
Ce guide pratique relève un défi : lutter contre la lassitude des citoyens et leur donner envie de se présenter à des élections locales pour passer à l’action. Il aide à décrypter, par des explications simples et concrètes, le jargon d’un conseil municipal ou de l’administration, à décoder le fonctionnement de la vie politique locale et le « qui fait quoi » et à connaître les démarches nécessaires (et les obstacles).
Dans la deuxième partie, l’auteur met en lumière cinq initiatives communales innovantes et efficaces qui redonnent une crédibilité à l’action politique locale.

Cette nouvelle édition a été mise à jour et enrichie par Christian Proust dans la perspective des élections municipales de 2020 ».

 

L’an dernier, un compte rendu avait été fait de la première édition de l’ouvrage de Christian Proust. On en avait souligné l’intérêt et la qualité des informations délivrées, qui doivent beaucoup au parcours professionnel de leur auteur. Christian Proust a en effet longtemps travaillé au sein de la fonction publique territoriale, notamment dans des mairies. Il s’est aussi présenté à des élections municipales. L’autre intérêt de son livre est d’être écrit de façon claire : Christian Proust donne ainsi les clés de compréhension nécessaires pour comprendre un budget municipal. Son souci de vulgariser ce qui peut paraître rébarbatif le met ainsi à la portée du plus grand nombre. Des sources complémentaires permettront d’aller plus loin (sous forme de cartes, de graphiques, etc.), et on peut ainsi éplucher les finances de sa propre commune. Un oubli, toutefois : le site de l’administration fiscale  propose des données remontant à l’année 2000. Et d’une façon générale, on se reportera au site du ministère de l’économie pour avoir une vue d’ensemble des principales sources sur le sujet.

Si les qualités de la première édition se retrouvent dans la seconde, on reste un peu sur sa faim. En effet, l’actualisation reste partielle. Il y a bien quelques passages rectifiés, mais on peut regretter d’avoir des données. Au hasard, prenons les pages 80 et 81. Y est présenté un tableau synthétiques du nombre des communes rassemblées par classes de population ; mais la base est assez ancienne puisqu’elle remonte à 2013. Les témoignages sur des situations locales présentées en fin de volume (p. 162 à 217) restent fort intéressantes. Mais elles sont les mêmes que dans la première édition, et, d’autre part, il aurait été judicieux de retourner vers les interlocuteurs pour connaître leur évolution. Pour la commune de Saillans, dans la Drôme (p. 165 et suiv.), l’entretien avec l’un des conseillers municipaux, élu sur la liste participative qui l’avait emportée en mars 2014, remonte à septembre 2016. Nous n’avons donc un témoignage qui ne permet de mesurer que les deux premières années de fonctionnement de l’expérience saillansonne. Or, on peut savoir, si on se documente par ailleurs, qu’un phénomène de lassitude a suivi l’enthousiasme du départ : les commissions auxquelles pouvaient participer les citoyens non élus ont vu leurs effectifs baisser progressivement, ce qui a limité l’effet participatif. Quelles réponses a-t-on imaginées ? Ont-elles été concluantes ?

Bref, ce guide reste tout à fait pertinent aujourd’hui : on ne soulignera pas assez. Pour reprendre le sous-titre tout à fait pertinent, il est vrai que « la démocratie nous appartient ». En soulignant les limites (et les absurdités, si on prend l’exemple du bureau municipal, dont l’activité échappe complètement au regard des citoyens et du reste des conseillers) du système représentatif, il permettra de lever bien des inhibitions qui pourraient contraindre les uns et les autres à ne pas s’engager autrement que par un bulletin électoral, c’est-à-dire une fois tous les six ans, en étant dépourvu de tout moyen de pression sur les élus. Il existe d’ailleurs des possibilités de contrôler leur activité, et on regrette encore une fois que l’ouvrage ne les aborde que fort peu.

Cependant, on aurait pu s’attendre à une réédition réelle, c’est-à-dire bien plus actualisée et qui auraient au moins tenue compte des faiblesses de la première livraison. Il reste à souhaiter que ce guide continue à avoir un certain succès (ce que montre le fait d’avoir eu droit à une nouvelle édition, un an après la première), mais surtout qu’il bénéficie d’une troisième sortie avec une documentation et un propos bien plus au fait.

04/10/2019

Émile Bravo, Spirou. T. 3, « L’espoir malgré tout » (deuxième partie)

Émile Bravo, Spirou. T. 3, « L’espoir malgré tout » (deuxième partie), éd. Dupuis, coll. « Tous Publics », 4 oct. 2019, 92 p., 16,50 €

 

Présentation de l’éditeur. « Automne 1940. Spirou arrive à convaincre Fantasio de ne pas prendre le train pour partir travailler en Allemagne. Mais les temps sont durs et Spirou est menacé d’expulsion par le prêtre qui lui loue une chambrette. C’est alors qu’il a une brillante idée : avec Fantasio, il va monter un théâtre de marionnettes itinérant pour donner un peu de joie aux enfants qui n’ont rien d’autre à faire que de subir (ou jouer à) la guerre. Félix et Felka, le couple de peintres juifs allemands exilés à Bruxelles, les aident à réaliser les décors, et Fantasio, esprit débordant de créativité, écrit des contes pleins de violence et de gueuletons. Le spectacle plaît beaucoup à M. Henri, un mécène, qui les engage pour qu’ils aillent jouer un peu partout en Belgique. Et c’est ainsi que Spirou et Fantasio partent à vélo sillonner le pays avec leur théâtre itinérant. Mais Fantasio va tomber amoureux, et son comportement et ses secrets vont commencer à attirer de graves ennuis à Spirou… ».

03/10/2019

Choi Kyu-sok, Intraitable, t. 1

Choi Kyu-sok, Intraitable, t. 1, Rue de l'Échiquier, 3 oct. 2019, 248 pages, 20 €

 

Présentation de l'éditeur. « Au tournant des années 1990 et 2000 en Corée du Sud, dans un environnement social durement marqué par les retombées de la crise financière en Asie, Gu Go-shin est un étrange et charismatique combattant syndical. À la tête d’une petite agence-conseil de défense des travailleurs, il mène avec cœur et maestria diverses opérations-chocs pour promouvoir leurs droits, à la manière d’un chef de commando.

C’est dans ce contexte que son chemin croise celui de Lee Sooin, jeune cadre prometteur de la grande distribution, issu des rangs de l’armée. Humain, travailleur, courageux, Lee n’a qu’un défaut : ne pas supporter l’injustice lorsqu’il en est témoin. Les détestables pratiques sociales de son nouvel employeur, puissant groupe français récemment installé en Corée, vont réveiller ses instincts de justicier. Ensemble, Lee et Gu vont s’opposer aux manipulations et au harcèlement moral auxquels sont cyniquement soumis, avec la complicité d’une partie du management coréen, les petits employés de l’enseigne.

Intraitable transpose sous forme de fiction l’histoire de l’implantation — finalement ratée — de Carrefour dans ce pays d’Asie. Remarquable de maîtrise et de brio, Choi Kyu-sok dépeint avec finesse toutes les péripéties de ce choc de deux mondes, et du même coup propose un étonnant portrait d’une société coréenne complexe, traversée de tensions multiples. De quoi nourrir aussi le dossier chargé des multinationales, jamais en mal de maltraitance sociale.

Ce premier tome inaugure une série de six volumes : les volumes 2 et 3 paraîtront en français au début de l’année 2020 ».

18/09/2019

Gerardo Balsa, L’Ombre du Condor, t. 1, « 1936. Duel sous le ciel d’Espagne », éd. du Long Bec, 18 sept. 2019, 98 p., 15,90 €


 Présentation de l’éditeur. « Sur terre comme dans les airs, les destins croisés de deux soldats que tout oppose… Un constat édifiant sur l’horreur de la guerre d’Espagne… ».


Le récit se place dans les premiers temps de la guerre d’Espagne, entre juillet et octobre 1936. Il met aux prises plusieurs protagonistes. On a un aristocrate allemand qui appartient à la légion Condor, Dieter von Moltke, figure très chevaleresque qui entend qu’on se batte en respectant certaines règles : on ne tire pas sur le parachute d’un pilote abattu. Dans le camp républicain, plusieurs personnages apparaissent parmi lesquels un mécanicien, Pedro Goya (sic), se fait remarquer par ses talents de mitrailleur, et qui ne tarde pas à être embarqué en vol. Toutefois, le propos ne tarde pas à décevoir : on n’a rien que de bien classique, sur fond d’amour (dont on ne voit pas bien ce que cela apporte), de héros au grand cœur, etc. Il reprend de l’altitude, si l’on peut dire, avec l’utilisation du contexte international. On a en effet les initiatives prises par Pierre Cot, ministre de l’Air, qui organise l’approvisionnement des républicains en appareils français. L’opération est confiée à André Malraux. De l’autre côté, on voit comment l’aviation a été un élément important dans le succès franquiste, après l’échec du coup d’État du 18 juillet 1936.

Dans ce monde d’hommes, les femmes semblent jouer un rôle secondaire, trop souvent réduites à servir au repos du guerrier. Pourtant, l’une d’elles est Sofia Rigau, compagne de Pedro Goya, mais surtout militante et organisatrice de l’administration de l’escadrille d’Espagne.

Néanmoins, l’album se signale par la grande qualité des illustrations. Gerardo Balsa n’en est en effet pas à sa première bande dessinée. Il en a notamment publiées à Zéphyr Éditions, qu’il a consacrées à l’aviation, domaine dans lequel il excelle à restituer le moindre détail des appareils qu’il dessine. Et il y en a un sacré lot dans ce récit sur la guerre d’Espagne : Bréguet XIX (dont les premiers modèles remontent à la première guerre mondiale), Heinkel He-51, Potez 540, Dewoitine D371/372, Loire 46, Bloch MB 210, Vickers Vildebeest, Nieport-Delage NiD 52, Focke-Wulf FW 44 Stieglitz, Junckers  Ju/52, évidemment le Polikarpov I-15, etc. Tous les appareils font d’ailleurs l’objet d’une notice technique dans un cahier final, avec un commentaire concernant leur rôle dans ce conflit. Autant dire que le travail de Gerardo Salsa s’appuie sur une documentation très solide.

On a également apprécié la préface d’Antonio Martín, qui aide bien à comprendre les enjeux de la guerre d’Espagne au travers de l’album, et propose également quelques affiches républicaines intéressantes.

Stéphane Heurteau, Long Kesh. Bobby Sands et l’enfer irlandais, éd. du Long Bec, 18 sept. 2019, 160 p., 20 €. ISBN 978-2-37938-030-3


Présentation de l’éditeur. « Un roman graphique poignant, consacré à la détention et la mort de Bobby Sands, grande figure de l’IRA, incarcéré dans la prison de Long Kesh. Entre récit historique, polar et reportage… ».

 

Les luttes qui ont marqué l’histoire de l’Irlande au XXe siècle constituent un thème dont la bande dessinée s’est emparée. On avait d’ailleurs rendu compte dans la Cliothèque de l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, Mon Traître. Pourtant, si l’Irlande fait partie de l’Union européenne, son passé récent est assez mal connu : n’apparaissant jamais dans les programmes d’histoire-géographie en France, il a rejoint néanmoins l’imaginaire révolutionnaire avec toute la subjectivité que cela représente. Aussi, chaque nouvelle publication est l’occasion de s’interroger sur cet objet particulier.

Long Kesh n’échappe à ce principe, d’autant qu’il s’inscrit dans la réalité : celle du combat de Booby Sands et de ses compagnons de l’IRA contre l’oppression britannique. Ce qui frappe d’abord le lecteur, c’est le dessin. Les couleurs sombres dominent des lignes sobres, d’où émergent les visages des protagonistes. Stéphane Heurteau excelle à rendre les expressions, dans leur dureté notamment, et « l’enfer irlandais » qui s’est constitué dans cette prison de Long Kesh, nom donné au centre pénitentiaire de Maze (Irlande du Nord). Il excelle également à restituer la violence qui s’est exercée sur les prisonniers politiques. L’auteur montre également les stratagèmes que ces derniers utilisent pour communiquer entre eux et avec l’extérieur, et la lutte qu’ils entament : le refus de porter les vêtements de prisonniers, mais de simples couvertures trouées en guise ponchos ; la destruction du mobilier ; le refus d’utiliser leur droit de visite mensuelle ; l’organisation d’une tentative d’évasion ; la grève de l’hygiène (les excréments étalés sur les murs des cellules, avec les conséquences qu’on imagine), etc.

Le paroxysme est constitué par la grève de la faim entamée progressivement par douze prisonniers, dans un premier temps, pour que le mouvement dure plus longtemps. On apprend d’ailleurs que des femmes enfermées dans la prison d’Armagh s’y joignent également. On suit en particulier Bobby Sands, en proie aux turpitudes de certains gardiens, qui continuent à lui donner un plateau de nourriture (souillée) chaque jour. On voit à cette occasion que cette lutte interne se double d’actions à l’extérieur. En plus de la médiatisation des actions, des exécutions visent des gardiens, parmi les plus féroces. Des prisonniers sont présentés aux élections par le Sinn Fein : Booby Sands est ainsi élu député, tout en étant empêché d’aller au parlement. Pendant ce temps, les grévistes de la faim commencent à subir les conséquences de l’absence d’alimentation : la cécité les gagne au fur et à mesure que leurs forces déclinent. Booby Sands meurt le 5 mai 1981, au terme de soixante-six jours de grève. En même temps que la très forte émotion que sa mort provoque, des émeutes éclatent en Irlande du Nord. Le gouvernement britannique reste pourtant insensible au sort des autres grévistes : neuf autres prisonniers meurent bientôt entre mai et août 1981, après quarante-six ou soixante-treize jours de lutte.

L’auteur précise qu’une tentative d’évasion réussit : trente-huit prisonniers s’échappent en 1982. Huit ans après les accords d’avril 1998, Long Kesh est détruite.

Au dessin dont on a déjà souligné les qualités s’ajoutent des dialogues épurés, ce qui contribue à donner une force incroyable à l’album très réussi. C’est peu de dire qu’on ne sort pas indifférent de sa lecture, tant la tension est maintenue de bout en bout.

01/09/2019

Renaud Garcia, Pierre Kropotkine & l'économie par l'entraide, Le Passager clandestin, coll. « Précurseur.ses de la décroissance », septembre 2019, 132 p., 10 € ISBN : 978-2-36935-232-7


Présentation de l'éditeur. « Pourquoi l'entraide est-elle notre unique chance de survie ?

Géographe, naturaliste, explorateur, militant et théoricien du communisme anarchiste, Pierre Kropotkine (1842-1921) s'est insurgé contre la vision d'une société régie par la compétition et la concurrence. Réfutant les théories du darwinisme social, il montre que la coopération et la solidarité sont un facteur essentiel de la survie des espèces.

Il trace les contours d'une économie par l'entraide qui garantit la satisfaction des besoins, évite le gaspillage et engendre une organisation collective maîtrisable par les individus.

Renaud Garcia rappelle que les propositions du "prince des anarchistes" restent des pistes d'actualités pour contrer l'idéologie capitaliste compétitive et le productivisme ».

21/08/2019

Jean-Yves Le Naour, Marko, Inaki Holgado, Les Compagnons de la Libération : Jean Moulin, Bamboo, coll. « Grand Angle », 21 août 2019, 56 pages. ISBN : 978 2 8189 6728 7


Présentation de l’éditeur. « L’homme qui unifia la Résistance.

Après leur débarquement en Afrique du Nord, en novembre 1942, les Alliés soutiennent le général Giraud pour contrecarrer les plans de de Gaulle. Mais l’homme du 18 juin n’est pas du genre à se laisser écarter de l’échiquier politique. Sur le terrain, dans la France occupée, Jean Moulin œuvre pour unifier la résistance. Mais si coaliser les mouvements combattants est déjà difficile, les faire cohabiter avec des responsables politiques de tous bords s’avère presque impossible. Pourtant, De Gaulle fait venir Jean Moulin à Londres et le charge de créer le Conseil National de la Résistance… ».

 

Une série est consacrée depuis quelques temps aux Compagnons de la Libération, avec le soutien du musée de l’ordre de la Libération. Parus le 29 mai 2019, deux précédents volumes avaient été consacrés à Pierre Messmer, qui rallia très tôt la France libre dès 1940, et à Philippe de Hauteclocque, véritable nom de Leclerc. Fort logiquement, un album devait être réservé à la personnalité qui aujourd’hui symbolise à elle seule la Résistance, c’est-à-dire Jean Moulin. Mille trente huit personnes furent admises dans l’ordre de la Libération ; du choix des trois premières retenues pour la série de BD, on voit que le critère principal tient à la notoriété. Il est cependant à espérer que d’autres plus obscures soient retenues, mais aussi des femmes, d’autant qu’il n’y en eut que six seulement : Bertie AlbrechtLaure DieboldMarie HackinMarcelle HenrySimone Michel-Lévy et Émilienne Moreau-Évrard.

L’album s’ouvre sur l’interrogatoire de Moulin par Barbie, le 21 juin 1943, avant un retour sur les mois précédents, en novembre 1942 ; la scène sert d’ailleurs de point de référence au lecteur. Lyon est alors occupée par les troupes allemandes, après le débarquement allié en Afrique du Nord. Les auteurs placent tout de suite les lecteurs face aux oppositions qui animent les principaux chefs de la Résistance, surtout Henri Frenay, qui compte bien sur un retournement de situation pour contrer de Gaulle. En décembre, Darlan est assassiné par le jeune Fernand Bonnier de la Chapelle, fusillé deux jours plus tard, le 26. Eisenhower fait alors le choix du général Giraud comme haut-commissaire, « un militaire qui ne se préoccupe pas de politique […], le contraire de de Gaulle », persuadé de détacher Pétain de la collaboration et de faire plier de Gaulle. C’est dans ce contexte troublé que Jean Moulin cherche à obtenir l’aval des chefs de la zone Sud pour demander que l’Afrique du Nord soit remise entre les mains de de Gaulle. Libération sud donne son accord, poussant même à ce que le futur Conseil national de la Résistance intègre les partis politiques en plus des mouvements de Résistance. Les autres responsables ont la même attitude. Cela aide de Gaulle lors de la conférence de Casablanca (22 janvier 1943), qui démontre ainsi la faible légitimité de Giraud aux dirigeants alliés.

Pierre Brossolette arrive de Londres pour demander à Jean Moulin d’y aller. Pendant ce temps, il doit entreprendre l’unification des mouvements de la zone Nord. Cependant, Brossolette est hostile à l’intégration des partis politiques. De Gaulle confie alors à Jean Moulin le temps de constituer le Conseil national de la Résistance, qui doit rassembler en outre les syndicats ouvriers. De retour en mars, le délégué permanent se heurte à Frenay et d’Astier de la Vigerie. Ceux-ci cherchent à préserver leur indépendance par un contact direct avec les Américains ; Moulin obtient des chefs des mouvements de la zone Sud qu’ils désapprouvent officiellement cette attitude, et Frenay est convoqué à Londres.

Les choses évoluent ensuite rapidement. Le 27 mai 1943, rue du Four à Paris, le Conseil national de la Résistance tient sa première réunion. Cependant, les filets des services de renseignements allemands se resserrent. Le7 juin, le général Delestraint (Armée secrète) est arrêté à Paris ; René Hardy (Combat) également, avant qu’il soit relâché ; un rapport de Frenay sur les activités de Moulin est aussi tombé dans les mains allemandes. Une réunion est prévue à Caluire, le 21 ; Bénouville doit y représenter Combat, mais charge finalement Hardy de cette mission. Les auteurs choisissent de montrer celui-ci donnant des renseignements à Barbie, prenant fait et cause en faveur de sa trahison. Une agent double apprend cela, mais le cloisonnement est tel que l’information ne peut remonter : les arrestations interviennent rapidement.

L’album se finit sur un extrait du discours de Malraux, le 19 décembre 1964, celui qui fait de Moulin le nouveau symbole de la Résistance. Un dossier documentaire en retrace la vie.

Cette biographie dessinée de Jean Moulin se signale par un dessin honnête : les personnages ont été travaillé de façon à donner une vraisemblance au récit. Ce souci va jusque dans d’autres détails, notamment les paysages, les véhicules, etc. L’apport d’un historien, Jean-Yves Le Naour (qui a déjà collaboré au premier volume sur Leclerc), se révèle également précieux, même si celui-ci est surtout connu pour ses travaux sur la première guerre mondiale : le scénario qu’il a établi contribue à donner un bon rythme à l’album.

On a, en somme, une biographie très honnête qui permettra à des adolescents (et à des adultes) d’en savoir davantage sur les derniers mois de vie de Jean Moulin. D’autant que rien n’est caché des dissensions qui opposent les chefs des mouvements. Si Jean Moulin a été imposé comme l’incarnation de la Résistance, cet aspect ne doit pas être négligé. Cela renforce la crédibilité de la série, dont on pouvait craindre a priori qu’elle ne soit qu’une suite hagiographique.

Jean-Yves Le Naour (sc.), Iñaki Holgado et Marko (ill.), Aretha Battistutta (coul.), <i>Le réseau Comète. La ligne d'évasion des pilotes alliés</i>, Bamboo, coll. « Grand Angle », 56 p., 31 mai 2023. ISBN 978 2 8189 9395 8

Présentation de l'éditeur . « Des centaines de résistants de « l’armée des ombres », discrets, silencieux, un « ordre de la nuit » fait...