Présentation de l’éditeur. « L’homme qui unifia la Résistance.
Après leur débarquement en Afrique du Nord, en novembre 1942, les Alliés soutiennent le général Giraud pour contrecarrer les plans de de Gaulle. Mais l’homme du 18 juin n’est pas du genre à se laisser écarter de l’échiquier politique. Sur le terrain, dans la France occupée, Jean Moulin œuvre pour unifier la résistance. Mais si coaliser les mouvements combattants est déjà difficile, les faire cohabiter avec des responsables politiques de tous bords s’avère presque impossible. Pourtant, De Gaulle fait venir Jean Moulin à Londres et le charge de créer le Conseil National de la Résistance… ».
Une série est consacrée depuis quelques temps aux Compagnons de la Libération, avec le soutien du musée de l’ordre de la Libération. Parus le 29 mai 2019, deux précédents volumes avaient été consacrés à Pierre Messmer, qui rallia très tôt la France libre dès 1940, et à Philippe de Hauteclocque, véritable nom de Leclerc. Fort logiquement, un album devait être réservé à la personnalité qui aujourd’hui symbolise à elle seule la Résistance, c’est-à-dire Jean Moulin. Mille trente huit personnes furent admises dans l’ordre de la Libération ; du choix des trois premières retenues pour la série de BD, on voit que le critère principal tient à la notoriété. Il est cependant à espérer que d’autres plus obscures soient retenues, mais aussi des femmes, d’autant qu’il n’y en eut que six seulement : Bertie Albrecht, Laure Diebold, Marie Hackin, Marcelle Henry, Simone Michel-Lévy et Émilienne Moreau-Évrard.
L’album s’ouvre sur l’interrogatoire de Moulin par Barbie, le 21 juin 1943, avant un retour sur les mois précédents, en novembre 1942 ; la scène sert d’ailleurs de point de référence au lecteur. Lyon est alors occupée par les troupes allemandes, après le débarquement allié en Afrique du Nord. Les auteurs placent tout de suite les lecteurs face aux oppositions qui animent les principaux chefs de la Résistance, surtout Henri Frenay, qui compte bien sur un retournement de situation pour contrer de Gaulle. En décembre, Darlan est assassiné par le jeune Fernand Bonnier de la Chapelle, fusillé deux jours plus tard, le 26. Eisenhower fait alors le choix du général Giraud comme haut-commissaire, « un militaire qui ne se préoccupe pas de politique […], le contraire de de Gaulle », persuadé de détacher Pétain de la collaboration et de faire plier de Gaulle. C’est dans ce contexte troublé que Jean Moulin cherche à obtenir l’aval des chefs de la zone Sud pour demander que l’Afrique du Nord soit remise entre les mains de de Gaulle. Libération sud donne son accord, poussant même à ce que le futur Conseil national de la Résistance intègre les partis politiques en plus des mouvements de Résistance. Les autres responsables ont la même attitude. Cela aide de Gaulle lors de la conférence de Casablanca (22 janvier 1943), qui démontre ainsi la faible légitimité de Giraud aux dirigeants alliés.
Pierre Brossolette arrive de Londres pour demander à Jean Moulin d’y aller. Pendant ce temps, il doit entreprendre l’unification des mouvements de la zone Nord. Cependant, Brossolette est hostile à l’intégration des partis politiques. De Gaulle confie alors à Jean Moulin le temps de constituer le Conseil national de la Résistance, qui doit rassembler en outre les syndicats ouvriers. De retour en mars, le délégué permanent se heurte à Frenay et d’Astier de la Vigerie. Ceux-ci cherchent à préserver leur indépendance par un contact direct avec les Américains ; Moulin obtient des chefs des mouvements de la zone Sud qu’ils désapprouvent officiellement cette attitude, et Frenay est convoqué à Londres.
Les choses évoluent ensuite rapidement. Le 27 mai 1943, rue du Four à Paris, le Conseil national de la Résistance tient sa première réunion. Cependant, les filets des services de renseignements allemands se resserrent. Le7 juin, le général Delestraint (Armée secrète) est arrêté à Paris ; René Hardy (Combat) également, avant qu’il soit relâché ; un rapport de Frenay sur les activités de Moulin est aussi tombé dans les mains allemandes. Une réunion est prévue à Caluire, le 21 ; Bénouville doit y représenter Combat, mais charge finalement Hardy de cette mission. Les auteurs choisissent de montrer celui-ci donnant des renseignements à Barbie, prenant fait et cause en faveur de sa trahison. Une agent double apprend cela, mais le cloisonnement est tel que l’information ne peut remonter : les arrestations interviennent rapidement.
L’album se finit sur un extrait du discours de Malraux, le 19 décembre 1964, celui qui fait de Moulin le nouveau symbole de la Résistance. Un dossier documentaire en retrace la vie.
Cette biographie dessinée de Jean Moulin se signale par un dessin honnête : les personnages ont été travaillé de façon à donner une vraisemblance au récit. Ce souci va jusque dans d’autres détails, notamment les paysages, les véhicules, etc. L’apport d’un historien, Jean-Yves Le Naour (qui a déjà collaboré au premier volume sur Leclerc), se révèle également précieux, même si celui-ci est surtout connu pour ses travaux sur la première guerre mondiale : le scénario qu’il a établi contribue à donner un bon rythme à l’album.
On a, en somme, une biographie très honnête qui permettra à des adolescents (et à des adultes) d’en savoir davantage sur les derniers mois de vie de Jean Moulin. D’autant que rien n’est caché des dissensions qui opposent les chefs des mouvements. Si Jean Moulin a été imposé comme l’incarnation de la Résistance, cet aspect ne doit pas être négligé. Cela renforce la crédibilité de la série, dont on pouvait craindre a priori qu’elle ne soit qu’une suite hagiographique.
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