Présentation de l’ouvrage. « Pour Alice et Dorothy, l’âpre réalité du Sud vaincu est un conte noir à mille lieues d’Oz et du pays des merveilles…
La guerre de Sécession terminée, trois confédérés démobilisés reviennent sur leurs terres exsangues. De leur rencontre avec Alice et Dorothy va naître l’espoir de se reconstruire autour d’un même but : retrouver le trésor du Sud spolié par ces mystérieux douze soudards à la traîne des troupes de Sherman et menés par la Reine et le Chapelier. Le petit groupe s’enfonce dans le bayou d’Oz où la frontière entre la vie et la mort se délite... ».
« Le Jardin d’Alice » avait été publié en juin 2019 (voir la recension sur ce même site). Un an et demi après, voici le second volet d’Après l’Enfer.
Cette suite s’inscrit dans le même contexte : il n’y a aucun rupture
chronologique. Les deux héroïnes, Dorothy et Alice, vivent les mois qui
suivent la fin de la guerre de Sécession dans la douleur, après avoir
tout perdu. Dans le même temps, trois anciens soldats confédérés
reviennent dans le Sud : au poids de la défaite s’ajoute celui de la
dévastation de leur région. Les cinq protagonistes finissent par se
rejoindre. Ils partagent ainsi une destinée commune, au moins pendant un
temps, et tentent de survivre sinon de commencer à se reconstruire en
trouvant quelques repères. Aux trois soldats perdus répond le couple des
deux filles : Alice, la plus jeune, s’est réfugiée en elle-même,
protégée par sa grande sœur de circonstance.
Le prénom ne doit rien au hasard : les auteurs ont repris celui du personnage central d’Alice au pays des Merveilles (Alice’s Adventures in Wonderland,
juillet 1865). La coïncidence ne s’arrête pas là. L’ouvrage paraît en
effet trois mois après la fin de la guerre de Sécession, avec la
reddition du général Lee au terme de la bataille d’Appomattox (9 avril
1865). Mais la suite de l’ouvrage est intitulé De l’autre côté du miroir (Through the Looking-Glass, and What Alice Found There, 1871), analogie avec l’état dans lequel se trouve Alice dans la présente bande dessinée.
Les auteurs ont ajouté une référence explicite dans le second tome [1] : celui du magicien d’Oz (The Wonderful Wizard of Oz,
1900), écrit par Lyman Frank Baum. Mais la situation que vit les cinq
personnages, et les deux filles en particulier, sont évidemment à
l’opposé de ces deux ouvrages. Au fantastique répondent les traumatismes
et la peur. Car le groupe est poursuivi par une douzaine de Nordistes :
tous convoitent le trésor de la Confédération. Ils s’enfoncent dans le
bayou, ce qui ajoute encore à l’atmosphère pesante de l’intrigue. Un
autre élément intervient : celui de la culture vaudou. Et on ne sait
plus si l’on est encore dans le réel ou dans un autre univers, « de
l’autre côté du miroir ».
Le récit très tendu prend le lecteur de la première à la dernière page, avec un dessin et des couleurs qui rendent particulièrement bien compte de cette atmosphère très particulière. Le jeu subtil entre des mondes parallèles lui fait perdre ses propres repères. Au fil des pages, on peut ressentir un certain mal-être, infime partie de celui qui pèsent sur les personnages.
Notes
[1] La bande dessinée se conclut par un dossier documentaire qui permet d’aller au-delà des vignettes, en explicitant justement les choix et les intentions des auteurs.
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