Prévue en mai dernier, la parution de ce nouveau tome de l’Histoire dessinée de France a dû être reportée à la rentrée scolaire. Notons que deux volumes (9 et 10) sortiront en novembre prochain.
Celui qui nous occupe porte le numéro 5 : la continuité chronologique
n’avait pas été scrupuleusement respectée, puisque tous les numéros sont
disponibles jusqu’au huitième.
Dans ce cinquième volume, les auteurs ont repris un procédé qui avait
été utilisé précédemment à plusieurs reprises, et qui l’est
systématiquement avec la série Ariane et Nino, publiée aux
éditions Dupuis. Deux collégiens contemporains sont projetés dans le
temps, à l’occasion de la visite du Louvre, et conduisent le lecteur à
l’époque carolingienne. On a déjà dit l’intérêt de cette façon de faire,
qui permet à la fois aux jeunes lecteurs de s’identifier aux
personnages et de prendre une certaine distance à l’égard de l’austérité
supposée de l’approche historique. Un autre intérêt est de pouvoir
partir des clichés sur l’époque carolingienne. Encore a-t-on attribué
aux deux collégiens des prénoms évocateurs, Bertille et Carl, qui montre
aussi une continuité dans le temps.
On sait que l’un des principes qui guide la série de l’Histoire dessinée de la France
est un regard critique sur ce que retient d’une époque l’imaginaire
collectif, travaillée entre autres par le travail d’historiens anciens.
La visite du Louvre permet ici de se défier des représentations de
Charlemagne, dont on ne sait pas à quoi il pouvait ressembler. Les
attributs utilisés ensuite par les souverains (sceptre, etc.) ajoutent
encore au brouillard, en utilisant le nom et l’image fabriquée de
Charlemagne pour renforcer les liens dynastiques. Les sculptures plus
récentes, comme celle qui est devant la cathédrale de Paris (ce qui
n’est pas signalé), continuent dans la même veine, sans souci
d’objectivité (comment leurs auteurs pourraient-ils d’ailleurs y
parvenir ?).
Sylvie Joly et Damien Vidal ont choisi de suivre le fil chronologique,
pour mieux guider les lecteurs. On commence ainsi au début du VIIIe
siècle avec les maires du palais que sont Charles Martel et Pépin le
Bref, fonction qui est rapidement décrite, et la polygamie des
détenteurs du pouvoir qui donne lieu à des luttes entre les épouses et
de leur descendance.
Ils abordent également le fait que Charlemagne n’appartient pas
seulement à la France : l’immixtion de de Gaulle (après Louis XIV et
Napoléon III) permet de rappeler que les deux Reich allemands sont
précédés par l’empire carolingien. Charlemagne est ainsi revendiqué par
différents dynasties européennes pour légitimer leur pouvoir. L’Union
européenne continue d’ailleurs avec un Prix Charlemagne.
Les deux collégiens partent à la rencontre d’Eginhard, qui permet aux
collégiens d’en apprendre davantage sur l’éducation, la guerre,
l’administration de l’empire, les relations avec l’Église, ce qu’on a
appelé la Renaissance carolingienne avec l’importance des écoles
ecclésiastiques, l’économie, les Vikings… Ils sont confrontés aux
sources qui ont fondé pendant longtemps les connaissances sur la
période, rédigées par Éginhard, Nithard, Hincmar.
En une centaine de pages, les auteurs réussissent à aborder beaucoup de
thèmes, mais le volume fait que cela l’est parfois trop rapidement. Un
autre choix n’eut pas forcément été plus judicieux. Celui-là a au moins
le mérite de permettre aux lecteurs de renverser certains de leurs
pré-supposés.
Quoi qu’il en soit, ils peuvent poursuivre leur lecture par une deuxième partie plus savante, sur des points importants :
- ce que recouvre ce qu’on a appelé la « Renaissance » carolingienne ;
- les dimensions européennes de l’empire, ce qui permet de comprendre comment Charlemagne le concevait et la façon dont son image a été utilisée jusqu’à aujourd’hui ;
- le sacre et les liens avec l’Église ;
- l’organisation sociale de l’empire ;
- son économie ;
- la construction de l’image de Charlemagne.
Les thèmes se répondent souvent : l’utilisation du personnage est ainsi abordé dans plusieurs d’entre eux.
La partie scientifique s’achève par une galerie de portraits concernant Éginhard, Charles Martel, les femmes au pouvoir, etc.
Au total, ce volume très attendu remplit parfaitement les attendus de la collection : la vulgarisation repose sur un fond historiographique solide, ce qui permet de combattre les a priori que l’on peut avoir sur la période et le personnage de Charlemagne. À ce titre, la bande dessinée est bien complétée par l’approche plus littéraire qui lui succède, ce qui compense la rapidité avec laquelle certains thèmes sont abordées en premier lieu. Et pour ceux qui veulent aller plus loin, un renvoi à des sources ancienne et contemporaine est proposé, dont on note avec plaisir qu’il s’agit des publications les plus récentes (quand cela s’y prête) : l’édition de la Vie de Charlemagne d’Éginhard date ainsi de 2014. Les auteurs n’ont pas oublié de mentionner l’existence de sites Internet relatifs à des expositions importantes sur le sujet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci de me faire part de vos remarques…