02/05/2022

José Ardillo , La Liberté dans un monde fragile. Écologie et pensée libertaire, éd. de L'Échappée, coll. « Versus », 2018, 288 p., 18 €. EAN : 9782373090345

Présentation de l’éditeur. « Peut-on construire une société libre dans un monde aussi fragile que le nôtre ? Au cours des deux derniers siècles, la plupart des projets politiques qui avaient l’émancipation pour horizon ne se sont pas posé cette question, car tout leur paraissait possible. La raréfaction des ressources, la disparition des espèces et la pollution n’étaient pas prises en considération, la puissance des sciences et des technologies semblait alors sans limites.
A contrario, l’écologie nous enseigne aujourd’hui que la liberté de l’être humain doit être mise en regard des restrictions qu’impose le monde physique. Des auteurs comme Thoreau, Reclus, Kropotkine, Landauer, Huxley, Mumford, Ellul, Illich ou Bookchin ont compris très tôt que la nature et les limites de la planète et du monde vivant ne sont pas des chaînes qui entravent nos désirs et nos actions : elles sont au contraire les conditions de leur réalisation la plus authentique. Le point commun de ces penseurs : ils se sont tous situés, d’une manière ou d’une autre, au croisement de l’écologie et de la pensée libertaire.
Avec un style vivant et dans une langue accessible à tous, ce livre fait l’inventaire des jalons philosophiques et politiques posés par ces penseurs hors normes. Il est une invitation à revisiter leurs œuvres et à reprendre leur réflexion, en vue d’une critique radicale de la société industrielle ».

 

Les éditions de L’Échappée ont fait paraître un ouvrage ambitieux et exigeant, jusqu’ici disponible en version espagnole sous la forme d’un recueil édité en 2014. Il s’agit de la somme de différents articles que José Ardillo a écrit en différentes occasions. L’auteur s’est attaché à explorer l’œuvre de plusieurs penseurs, libertaires ou non, qui ont réfléchi aux « limites de la nature ainsi que sur la responsabilité humaine » (p. 7). Le propos est parfaitement d’actualité, à un moment où les pressions populaires se renforcent pour décider les gouvernements à agir résolument pour lutter contre le réchauffement climatique. Dans le même temps, d’autres voix (mais souvent les mêmes) réclament une « société libre et harmonieuse en accord avec la nature humaine (p. 7). José Ardillo pose clairement les limites de la notion de « progrès », qui apparaissent dès les débuts de l’industrialisation chez Henry Thoreau ou William Godwin, par exemple, ou le géographe Élisée Reclus. Le premier auteur dénonce déjà les atteintes à l’environnement par les entreprises humaines. Ernst Haeckel conçut les bases de la science écologique, classiquement définie par l’étude des relations entre les êtres vivants dans un milieu donné, à quoi il appliquait une vision pseudo-darwinienne selon laquelle seuls les plus forts étaient appelés à survivre dans une sorte de compétition.

Un autre penseur comme William Morris s’est attaché à remettre en cause les bienfaits supposés de la technologie, et, de là, les bases du capitalisme. À la place, il voyait une société formées de communautés humaines, autonomes. D’autres, comme Kropotkine, étaient d’accord avec Morris dans sa vision d’un machinisme réduisant l’homme à un quasi-esclavage, mais sans le rejeter : la machine devait aussi être un outil d’émancipation. La réflexion pouvait aller plus loin. Au tournant du XXe s., quelqu’un comme Gustav Landauer s’est intéressé aux « questions liées aux limites raisonnables pour une communauté humaine, à la démographie, aux formes d’alimentation et d’hygiène, aux relations entre les êtres humains et leur environnement physique.

Tout cela a constitué un terreau qui a permis à la pensée d’auteurs ultérieurs de se développer, comme Jacques Ellul, Murray Bookchin, Bernard Charbonneau, ou encore Ivan Illich et André Gorz. La société industrielle avait alors atteint son apogée ; le progrès montrait ses limites à travers les crises des années trente et celle qui est apparu à la fin des années soixante. C’est aussi le moment où la réflexion des membres du club de Rome paraît sous la forme du rapport Meadows (1972), qui pose clairement les limites de la croissance.

Le recueil de José Ardillo n’est pas toujours d’un abord facile, malgré une langue très claire : les concepts qu’il manie avec aisance doivent être bien assimilés pour mieux profiter de la lecture. Toutefois, les efforts qu’il exige apporteront une grande satisfaction, car il donne des clés de compréhension sur les difficultés environnementales que nous rencontrons aujourd’hui. Il invite à s’interroger sur les bases actuelles de la société et notamment sur les limites du capitalisme. La résolution des problèmes climatiques est-elle compatible avec ce modèle, ou passe-t-elle par sa disparition ?


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