01/12/2021

Olivia Burton, Mahi Grand, L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique, coll. « 10 Ans », Steinkis, 7 oct. 2021, 177 p., 22 €. ISBN 9782368465417

Présentation de l'auteur. «  Lauréat du prix du festival BD de Sainte-Livrade - 2016

Petite-fille de pieds-noirs, Olivia a toujours entendu parler de l’Algérie. Mais ces récits familiaux lui pesaient : entre nostalgie, images de cartes postales et blessures de guerre, elle trouvait cet héritage plutôt gênant.

Dans les années 1990, alors que l’Algérie plonge dans la guerre civile, Olivia a envie d’en savoir plus sur l’histoire familiale. Elle demande à sa grand-mère d’écrire ses mémoires mais n’obtient d’elle qu’un sourire fatigué. Pourtant, en triant ses affaires après son décès, Olivia tombe sur un dossier qui lui est destiné. À l’intérieur : ses souvenirs d’Algérie.

Dix ans plus tard, elle décide d’aller sur place, pour confronter ces récits à la réalité.
Olivia part seule, avec dans ses bagages le numéro de téléphone d’un contact sur place, Djaffar.

Ce roman graphique raconte ce voyage : quête des origines, travail de la mémoire entre souvenirs et fantasmes, questionnement sur l’héritage, la honte et le sentiment d’exil et amitié improbable et cocasse entre les héritiers d’une histoire brûlante.
Une quête initiatique remplie de rencontres fortes et savoureuses, sensible et souvent drôle, le tout dans un décor de western et de barrages policiers ».




À l'occasion de ses dix années d'existence, Steinkis a eu l'heureuse idée de publier à nouveau une partie de ses titres. Cela permettra d'en apprécier la richesse et la diversité, mais, surtout, au lecteur trop pressé de les redécouvrir. Le présent « roman graphique » (appellation que l'on donne désormais aux bandes dessinées d'un certain volume) avait été édité en 2015. Il est le résultat du travail en commun d'Olivia Burton, agrégée de lettres modernes, et de Mahi Grand, qui a fait valoir ses multiples talents dans différents domaines en tant que plasticien, sculpteur, scénographe, peintre, et donc dessinateur. Ces deux auteurs ont travaillé ensemble à d'aures bandes dessinées : Le Testament d'Adrien (2005) ; Un Anglais dans mon arbre (Denoël Graphic, 2019).

Celle-ci concerne un temps de la vie d'Olivia Burton. Elle est en effet issue d'une famille de « pieds-noirs », comme on a qualifié les rapatriés d'Algérie « de souche européenne » (selon le jargon de l'époque), qui a vécu dans les Aurès à Bernelle (Oued El Ma) et Corneille (Merouana), avant de gagner Alger puis la métropole en 1962 et 1965 (selon les branches familiales). Le poids de l'Algérie pèse sur ses épaules dès son plus jeune âge, et constitue finalement le fond et le décor de son univers familier, fabriqué par les silences de sa mère, les évocations du pays lors des repas de famille… Elle se heurte à ses camarades de lycée : être pied-noir, c'est avoir été un colon qui a accaparé des terres et exploité la force de travail des Algériens. On la sent prise entre deux feux, et elle décide de partir en Algérie pour confronter son imaginaire à la réalité. C'est ce qu'elle fait en 2011, munie du cahier de souvenirs que lui a légué sa grand-mère après sa mort.

Comme on peut s'en douter, l'Algérie qu'elle découvre n'a plus grand chose de commun avec le pays quitté par sa famille cinquante ans auparavant. L'atmosphère est lourde du traumatisme subi pendant la décennie noire des années 1990 : les routes sont fréquemment barrées pour des contrôles de police. Olivia mesure le fossé qui sépare la population du FLN, qui monopolise le pouvoir depuis l'indépendance, et les tensions profondes d'une société qui aspire à la démocratie, à la liberté. Guidée par Djaffar Lesbet, elle réussit à parvenir dans les Aurès, accomplissant ainsi un retour aux sources. Mais elle éprouve des difficultés à retrouver les traces de sa famille. Elle sent que la colonisation française, malgré cent trente années de bouleversements profonds, est devenue une parenthèse qu'on s'est empressé de refermer, malgré les douleurs ravivées périodiquement.

Il n'empêche qu'Olivia éprouve les mêmes sentiments et sensations que non nombre de métropolitains venus en Algérie, ce dont les premiers colons mais aussi les appelés ont largement témoigné. Elle nous donne à comprendre, à mesure qu'elle en prend conscience, que c'est finalement cela qu'elle partage avec la nostalgie cultivée par sa famille, même si les paysages ont fortement évolué depuis l'indépendance. Ses photographies, restituées sobrement par le crayon de Mahi Grand, ou rassemblée dans le cahier qui est à la fin de l'album, le montrent assez. Elle ne peut cependant s'empêcher de se mettre en scène, reproduisant les postures de sa mère, par exemple, sur une terrasse donnant sur le port d'Alger, façon de faire un lien entre les générations.

Ce voyage est ainsi empreint de nostalgie, faite de la quête d'un temps perdu mais aussi des perceptions d'Olivia. Elle repart ainsi « avec [son] bout d'histoire algérienne, qui n'a pas grand chose à vori avec celle de [sa] famille. Mais c'est la [sienne]. Elle est en couleurs et elle palpite » (p. 158).

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