Le titre que l'on vient de lire est une double question. L'auteur indique expressément (p. 157) que son choix engage le lecteur à envisager le vélo comme un véritable moyen de transport, au même titre que les véhicules motorisées, et non plus uniquement comme un instrument de loisir ou de sport. Mais le point d'interogation est là également pour signaler un étonnement : pourquoi le vélo n'a-t-il pas toute sa place dans la société française, en dépit de toutes ses qualités. Son utilisation entraîne une très faible consommation de ressources non renouvelables (patins de frein, pneumatiques…) ; elle suppose une dépense calorique qui permet à son utilisateur d'être en forme ; sans émettre de pollution de quelle nature (si l'on peut dire) que ce soit, le cycliste est plus rapide qu'une voiture en ville, etc. Stein van Oostveren pose cependant comme principe de base que son ouvrage n'est pas un exposé des bonnes raisons pour développer l'usage du vélo (p. 157). Accordons-lui au moins qu'il n'est pas que cela.
De fait, la problématique développée par l'auteur est bien de comprendre pourquoi le vélo n'est pas aussi utilisé en France qu'il pourrait l'être. Pour cela, il compare la situation relativement à celle des Pays-Bas, dont est originaire Stein van Oostveren, à la façon du persan de Montesquieu. Cette analyse constitue le principal intérêt de l'ouvrage : les observations (et les propositions) sont faites avec le recul critique d'un œil étranger. Encore Stein van Oosteren le fait-il en même temps en tant que résident en France depuis vingt-trois ans, qui lui ont permis de bien observer et comprendre la société française. L'autre avantage du livre est de reposer sur un appareil de documentation important et très varié, auquel on a un accès assez aisé : ouvrages spécialisés (Frédéric Héran…) ; relations d'usagers (Claire Morissette, Olivier Razemon, dont on rendu compte ici…) ; rapports publics ; sites Internet soigneusement triés ; articles de presse, etc. On regrette cependant des choix éditoriaux malheureux qui font que toutes ces sources n'aient pas été réunies pour en faciliter la consultation. De plus, le lecteur est contraint de lire les notes qui ont été placées en fin de volume, l'obligeant à une compulsation frénétique qui rompt le fil de la lecture.
Stein van Oosteren met aussi à profit sa propre expérience de cycliste, quotidienne, mais aussi de « promoteur » du vélo (p. 165). Il anime en effet le FARavelo, association de Fontenay-aux-Roses, et participe activement au comité Vélo Île-de-Fance, dont il est porte-parole. Ces deux structures font partie de la FUB (fédération des usagers du vélo), dont l'action est de plus en plus efficace, notamment auprès des élus, pour qu'une véritable politique de l'usage du vélo en toute sécurité soit développée. L'auteur est donc très bien placé pour apprécier ces actions politiques et leurs manques.
Si l'on veut résumer le propos de l'auteur (ce qui sera fait de façon très imparfaite), les freins à l'utilisation du vélo relèvent de réticences personnelles parfois irrationnelles, qui tiennent à des peurs : la pluie, le froid, l'effort, mais aussi une réelle insécurité routière, qui s'accroît à mesure que l'on s'éloigne des centres urbains, etc. Ils sont aussi la conséquence de décisions politiques reposant excessivement sur une appréciation faussée de ce veut réellement la majorité de la population. Ainsi, au lieu de lancer des actions visant à l'encourager à rouler à vélo, les élus se conforment à des a priori et des stéréotypes qu'ils confortent : la présentation de l'éditeur en rappelle quelques-uns.
Pourtant, Stein van Oosteren estime que ce qui a permis aux Pays-Bas de devenir un modèle en matière de pratique du vélo (chose qui ne s'est imposée qu'à partir des quarante-cinq dernières années) est en train d'advenir en France (p. 114). On observe ainsi que la violence routière est de plus en plus rejetée. La crise énergétique de 2018 (qui ressurgit à nouveau en cette fin d'année) a amené à une reconsidération des choix de transport. De plus, un plan national du vélo a été adopté en 2017 (plus de quarante ans après les Pays-Bas…), doté de 350 millions d'euros sur sept ans, renforcé par des initiatives locales : la ville de Paris avait adopté un plan de 150 millions d'euros pour la période 2015-2020 ; il est prolongé entre 2021 et 2026, avec un fonds de 250 millions d'euros.
On observe cependant que ces initiatives concernent surtout les espaces urbains, et notamment les quartiers centraux : la densité d'équipements divers (pistes et voies cyclables ; places de stationnement ; vélos en libre-accès, etc.) décline très rapidement. Des efforts très importants sont attendus pour les espaces ruraux (p. 112), parfois sillonnés par des itinéraires commes les eurovélos. Pourtant, Stein van Oosteren rappelle que sept Français sur dix se trouve à moins de cinq kilomètres d'une gare, soit un quart d'heure à vingt minutes à vélo.
Pourquoi pas le vélo ? s'ajoute à une liste d'ouvrages de plus en plus fournie, qui dénoncent la concession excessive de l'espace public dévolu aux véhicules motorisés, et font aussi la promotion du vélo (y compris à assistance électrique). Chacun aborde le sujet à sa façon. Le livre de Stein van Oosteren séduit par la précision de son argumentation, mais aussi par l'humour auquel il recourt souvent (notamment aux dépens du député LREM Bourlanges, qui n'a pas dû utiliser un vélo depuis son enfance — pour peu qu'il l'ait fait —, ne se révèle pas capable de comprendre les aspirations réelles de ses concitoyens, et se contente d'enfiler cliché sur cliché. Cf. p. 39).
Vous avez (peut-être) envie de faire un cadeau à vos élus locaux tout en rendant service à la collectivité ? N'hésitez pas à leur offrir Pourquoi pas le vélo ?.
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