Dès lors, la peinture deviendra pour lui synonyme de survie puisqu’il sera réquisitionné, comme bon nombre d’artistes et artisans cambodgiens, afin de mettre son talent au service de la dictature.
À travers ce récit, l’on découvre les racines de l’art de Vann Nath, pour qui peindre est devenu, à sa libération, un devoir de mémoire et d’hommage aux victimes du régime de Pol Pot.
Au-delà de sa portée biographique, cet ouvrage présente le combat mené par le peintre pour que les crimes de ses bourreaux ne demeurent pas inconnus de tous.
Un album aussi passionnant que percutant... ».
Matteo Mastragostino n’aborde pas le sujet du génocide cambodgien en néophyte. Il a consacré un précédent album à Primo Levi
(éd. Steinkis, 2017), qui est d’ailleurs sa première bande dessinée.
Son scénario est très bien tenu par le dessin de Paolo Vincenzo
Castaldi, qui a travaillé avec une économie de moyens qui renforce bien
le propos de l’album. Domine le noir, très rarement rehaussé de
couleurs, pour mieux restituer l’atmosphère écrasante. Le parti pris est
de suivre le récit que fait Vann Nath, de son arrestation à sa
libération en janvier 1977, après de longs mois d’enfermement et de
tortures au camp S21. Vingt milliers de Cambodgiens y furent enfermés,
adultes ou enfants ; seuls douze en sortirent vivants.
Le récit ne s’arrête pas aux conditions de détention de Vann Nath, à ce
que furent les tortures qui lui ont été infligées et au sort particulier
auquel il dû son salut. Il lui fut en effet proposer de faire un
portrait de Pol Pot : sa vie dépendait alors de la satisfaction de son
commanditaire.
Le point d’aboutissement est constitué par la rencontre fortuite en 1996
avec le surveillant en chef du S21, Huy, lors de la visite du musée du
génocide de Tuol Sleg. Huy s’enferme d’abord dans la dénégation totale
face aux affirmations de Vann Nath, mais finit cependant à lui donner
une autre vision des massacres qui ont été perpétrés dans le camp. Un
autre événement pèse dans le récit : la découverte de Duch (Kaning Guek
Eav), en 1999, qui se cache dans un village, puis son procès en 2007. Il
s’agit du chef du camp S21. Lors de ce procès, Vann Nath est convoqué
en tant que témoin ; ses dessins sont produits devant la cour de
justice. Il meurt peu après, en 2011, des conséquences de sa détention.
Outre le récit, très bien mené, les auteurs ont voulu reproduire
quelques dessins de Vann Nath, ceux-là même qui furent montrés lors du
procès de Duch. Il s’agit de restitutions de ce qu’il vécut directement
dans la pièce où il fut enfermé, de ce qu’il entendit et de ce qu’il
imagina.
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