Présentation de l’éditeur.
« Depuis les années 1980, une révolution silencieuse a bouleversé nos
connaissances sur l’histoire de l’humanité : celle suscitée par les
extraordinaires progrès techniques et méthodologiques de l’archéologie,
particulièrement grâce au développement de l’archéologie préventive.
Nombre des représentations d’hier ont été nuancées, des pans entiers de
cette histoire, jusque-là ignorés, ont été mis au jour. Mais si cette
révolution a donné lieu à un foisonnement de publications scientifiques,
il manquait une vision globale, accessible aux non-spécialistes. C’est
ce défi qu’ont voulu relever ici trois des plus éminents archéologues
français.
Réunissant les contributions de soixante et onze spécialistes mondiaux, associées à une riche iconographie et à une cartographie originale, cet ouvrage propose une histoire renouvelée des civilisations. Il couvre l’ensemble des périodes et des continents, en mettant l’accent sur les avancées les plus significatives : la localisation du berceau de l’hominisation, les origines et l’extension des civilisations sédentaires, les stratégies économiques et politiques qui ont mené à la fondation des grands empires et les conditions de leurs dislocations, les modalités de la mondialisation des époques moderne et contemporaine, sans oublier les migrations qui se sont succédé de la préhistoire jusqu’à nos jours.
Grâce à cette vision globale de l’aventure humaine, on découvrira comment l’archéologie apporte sa contribution à la connaissance des sociétés sans écriture comme à celle des civilisations de l’écrit. Et comment elle rend possible un nouveau dialogue entre sources textuelles et sources matérielles, qui bouleverse plusieurs domaines de l’histoire ancienne, médiévale et moderne ».
Avec ses sept cents pages, cette Histoire des civilisations
a de quoi impressionner. Mais pour brosser un tel panorama
chronologique et géographique de façon aussi synthétique, c’est plutôt
la prouesse des auteurs qui doit être reconnue comme impressionnante.
L’ouvrage suit une trame chronologique : on passe ainsi de
« L’hominisation et les sociétés de chasseurs-cueilleurs » (chap. 1) aux
« Premières sociétés agricoles (chap. 2) et à « L’origine et extension
des États centralisés » (chap. 3). « Des empires à la mondialisation »
(chap. 4) achève ce parcours.
Par la
restitution de qu’ont pu être les sociétés passées, on comprend que
l’archéologie est un outil important de qu’on nomme aujourd’hui le
« vivre ensemble ». Elle permet en effet de relativiser les prétentions
nationalistes sur tel bout de territoire, sous des prétextes de toutes
sortes, celui de la culture le disputant à l’ordre d’arrivée des groupes
humains. Et cette relativisation passe d’abord par la compréhension du
passé, dont l’archéologie fait surgir toute la puissance matérielle. On
en profite d’ailleurs pour souligner la qualité des cartes et des
tableaux synoptiques qui ponctuent le volume et aident beaucoup à la
compréhension des démonstrations, sans oublier celle de l’abondante
iconographie.
De plus, cette Histoire des civilisations nous offre la possibilité de sortir du cadre étriqué proposé par les programmes scolaires, trop centré sur l’Europe — au mieux — et surtout sur la France. Les articles montrent les liens entre les groupes humains, tantôt entretenus avec soin, tantôt relâchés, sans qu’on oublie que la guerre est aussi un type de relation sociale. Ce faisant, elle se joue des grands découpages chronologiques et des grandes ruptures, fabriquées et présentées au XIXe s. Exit donc les « Grandes Invasions », les « Grandes Découvertes », exaltations superlatives qui mettent en scène la civilisation européenne. À la place, on trouvera les thèses les plus récentes sur les débuts du peuplement des Amériques, de l’Océanie, etc.
Enfin, les auteurs n’ont pas seulement cherché à aborder les civilisations les plus anciennes. Les études vont jusqu’au XXe s., avec des thèmes concernant la première guerre mondiale, ou la guerre froide vue au travers des installations soviétiques à Cuba. Dans l’ultime chapitre s’ouvrent « De nouveaux champs d’étude pour l’archéologie » (chap. 5). On y trouvera des points très intéressants sur les techniques utilisées, notamment la détection et la datation dont les progrès suivent exactement ceux de l’informatique (entre autres), sur les domaines nouveaux (pour les profanes que nous sommes) qu’elle explore désormais, notamment ceux de la génétique. L’image de l’archéologue grattouillant la terre n’appartient pas encore au passé, mais elle doit être dépoussiérée soigneusement.
Ce volumineux ouvrage, écrit dans un langage très accessible, est une nouvelle et magistrale démonstration qui achèvera de convaincre de ce que l’archéologie n’est plus une science — voire même une « source » — auxiliaire de l’histoire, comme on l’apprenait encore à l’université il y a une trentaine d’années, mais bien une science à part entière. Où l’on retrouve ainsi la pleine signification de son étymologie, à savoir un discours, une considération sur les choses du passé. Mais un passé qui, en retour, a bien des choses à dire sur notre présent, avec les outils les plus performants.