Au-delà du mépris social évident dont témoignent les petites
phrases du président sur « ceux qui ne sont rien », les auteurs
documentent la réalité d’un projet politique profondément inégalitaire.
Loin d’avoir été un candidat hors système, Emmanuel Macron est un enfant
du sérail, adoubé par les puissants, financé par de généreux donateurs,
conseillé par des économistes libéraux. Depuis son arrivée au palais,
ce président mal élu a multiplié les cadeaux aux plus riches :
suppression de l’ISF, flat tax sur les revenus du capital, suppression de l’exit tax,
pérennisation du crédit d’impôt pour les entreprises… Autant de mesures
en faveur des privilégiés qui coûtent un « pognon de dingue » alors
même que les classes populaires paient la facture sur fond de
privatisation plus ou moins rampante des services publics et de
faux-semblant en matière de politique écologique.
Mettant en série les faits, arpentant les lieux du pouvoir,
brossant le portrait de l’entourage, ce livre fait la chronique
édifiante d’une guerre de classe menée depuis le cœur de ce qui
s’apparente de plus en plus à une monarchie présidentielle ».
Si le titre de l’ouvrage évoque à dessein l’une des précédentes publications des « Pinçon-Charlot »1 ,
l’attention du lecteur doit se concentrer sur le sous-titre. Car le
projet du livre y est défini très clairement. Le couple de sociologues
utilise les connaissances acquises au cours de leurs nombreuses enquêtes
au sein des élites pour analyser le parcours de l’actuel président de
la République, mais aussi les mesures prises en l’espace d’une année et
demie.
Les cent-soixante seize pages de cet ouvrage se lisent sans aucune difficulté, l’humour n’y étant pas pour rien. Les mieux informés ne trouveront pas de révélations inédites sur le personnage du président de la République, ce qui n’est d’ailleurs pas l’objectif des auteurs. En revanche, ils nous offrent une synthèse qui permet de mettre en relation tout ce que l’on sait sur lui, très précisément informée. Encore s’agit-il d’une analyse de type sociologique bâtie autour d’une problématique : en quoi E. Macron est-il représentatif de la classe sociale dont il est issu et dont il porte les intérêts ?
Si l’on se fie à ce que les auteurs disent en préambule, leur « Président des ultra-riches » est une réponse au défi lancé implicitement par E. Macron, dont les propos avaient été rapportés par Le Canard Enchaîné, à l’automne 2017. Il réfutait le fait qu’on puisse le qualifier de « président des riches », comme l’avait été N. Sarkozy : « personne ne peut me relier à cette image ». À défaut de cela, les sociologues devaient pouvoir démontrer facilement le mépris et la condescendance exprimés par le candidat puis par le président, en s’appuyant sur les premières mesures qui venaient appuyer les « macronades ». Ils rappellent toutefois les conditions de son élection : 24 % des votes exprimés, mais seulement 18,2 % des inscrits au premier tour, soit le plus mauvais résultat de toute la Cinquième République. Ce qui inciterait à la modestie laisse au contraire place à l’arrogance, au nom de la légitimité sortie des urnes. Ils rappellent également les conditions de la campagne électorale, et la construction d’un candidat « hors système », alors que son parcours démontre à l’envi qu’il se place parfaitement dans le système. On se dit alors que, finalement, avec une base populaire aussi restreinte, les mesures prises par le nouveau président sont en parfait accord avec ceux qui le soutiennent réellement. C’est justement la conclusion à laquelle parvient les Pinçon-Charlot, « en croisant le contenu de sa politique sociale et économique avec sa trajectoire sociobiographique et le maillage oligarchique de son pouvoir » (p. 155).
Quand la rédaction du livre s’est achevé, le mouvement des « gilets jaunes » avait commencé. La reprise de deux récits publiés dans L’Humanité (26 nov. et 11 déc. 2018) s’imposait pour confirmer le bien-fondé du propos du livre. En effet, l’un des thèmes exprimés par les manifestants concernait sinon la personne du président de la République, au moins le mépris de classe qu’il n’avait cessé d’exprimer.
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