1961 - Joseph revient d’Algérie. Pour les habitants du village, il n'est qu'un planqué qui officiait dans un bureau plutôt que sur les zones de combat, un lâche qui a esquivé les durs travaux de la ferme. Personne ne lui pardonne d’avoir abandonné sa famille, alors que son frère est cloué sur une chaise roulante, victime d’un accident de tracteur pendant son absence. D’enfant du pays, Joseph revient en paria. Heureusement, l'honneur du village est sauf : le fils du cafetier, lui, s'est battu en Algérie. Mais quand il revient à son tour de la guerre et révèle aux habitants le secret de Joseph, l'invraisemblable vérité éclate au grand jour ».
Le titre de cet album
joue sur l’ambiguïté d'une situation qui constitue le centre de
l'intrigue. On a besoin d'hommes en Algérie, mais on a aussi besoin
d'hommes en métropole. D'un côté, des soldats ; de l'autre, des gens
pour assurer la croissance économique, mais aussi des fiancés, des fils,
des pères… Joseph ne fait pas exception à cette tension. Il revient
dans un village où sa présence seule constitue un reproche vivant, aussi
bien pour ceux qui ont perdu l'un des leurs dans cette guerre « sans
nom », que pour sa propre famille. Il est parti de la ferme familiale
alors qu'un drame venait de se dérouler. On ne peut guère en dire
davantage sous peine de dévoiler l'intrigue, ce qui serait dommage. En
commençant à lire l'album, on est séduit par le trait de Victor-Lorenzo
Pinel, très efficace, mais on se dit que l'histoire va être assez banal.
On s'attend à une situation d'incompréhension entre un soldat qui
revient d'Algérie et le monde qu'il rejoint, ce qu'on a effectivement.
En réalité, les auteurs vont conduire le lecteur dans des détours
beaucoup plus intéressants. On retrouve chez Joseph une part du
personnage principal du roman de Roger Vercel, Capitaine Conan,
mis en images par Bertrand Tavernier, l'alcoolisme en moins, et dans une
situation de guerre qui n'a rien à voir avec l'Orient de la fin de la
Première Guerre mondiale. Et il y a beaucoup à voir également avec Des hommes, de Laurent Mauvignier (Éd. de Minuit, 2009). Tout ce qui dit ce que la guerre fait aux hommes…
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